Saisie d’une requête dirigée contre l’Espagne, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 9 janvier dernier, les articles 6 §1 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme relatifs, respectivement, au droit à un procès équitable et au droit au respect de la vie privée et familiale (López Ribalda et autres c. Espagne, requêtes n°1874/13 et 8567/13). Les requérantes, ressortissantes espagnoles, ont été licenciées de leur emploi d’hôtesse de caisse pour une chaîne de supermarchés pour motifs disciplinaires, sur le fondement d’enregistrements vidéo. Leur employeur, soupçonnant des vols, avait en effet installé un système de vidéosurveillance dont elles n’avaient pas été informées. Les juridictions nationales ont admis les enregistrements vidéo comme éléments de preuve, considérant qu’ils avaient été obtenus légalement. Devant la Cour, les requérantes alléguaient que la vidéosurveillance dissimulée ordonnée par leur employeur ainsi que l’enregistrement et l’utilisation des données obtenues dans le cadre de la procédure devant les juridictions nationales avaient violé leur droit au respect de la vie privée et familiale et leur droit à un procès équitable. Sur la violation alléguée de l’article 8 de la Convention, la Cour rappelle qu’il lui appartient de rechercher si l’Etat a ménagé un juste équilibre entre les droits des requérantes et ceux de l’employeur. Elle observe, d’une part, que la surveillance litigieuse constitue bien une ingérence dans le droit des requérantes au respect de leur vie privée et familiale. Elle relève, d’autre part, que cette ingérence n’était pas prévue par le droit national, en particulier s’agissant de la notification du dispositif mis en place, et qu’il aurait été possible de protéger, au moins dans une certaine mesure, les droits de l’employeur en recourant à d’autres moyens tels que la communication aux requérantes des informations générales sur la surveillance et la notification requise au titre de la loi nationale sur la protection des données personnelles. La Cour considère que les juridictions nationales n’ont pas ménagé un juste équilibre entre les droits en jeu et, partant, conclut à la violation de l’article 8 de la Convention. S’agissant de la violation alléguée de l’article 6 §1 de la Convention, la Cour examine si l’utilisation des enregistrements vidéo obtenus en violation de la Convention a compromis l’équité de la procédure interne dans son ensemble. Elle constate que les requérantes ont été en mesure de contester l’authenticité des enregistrements dans le contexte d’une procédure contradictoire et que ces enregistrements n’ont pas constitué l’unique élément de preuve ayant appuyé les décisions rendues par les tribunaux, lesquelles se sont également fondées sur des dépositions de témoins. La Cour déclare ne déceler aucun manquement à l’exigence d’un procès équitable et, partant, conclut à la non-violation de l’article 6 §1 de la Convention. (MT)