Saisie d’un renvoi préjudiciel par le Fővárosi Közigazgatási és Munkaügyi bíróság (Hongrie), la Cour de justice de l’Union européenne a, notamment, interprété, le 17 décembre 2015, la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, le règlement 904/2010/UE concernant la coopération administrative et la lutte contre la fraude dans le domaine de la taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que plusieurs dispositions des Traités et de la Charte des droit fondamentaux de l’Union européenne (WebMindLicenses, aff. C-419/14). Dans le litige au principal, une société hongroise a donné en location, par contrat de licence, un savoir-faire permettant à une société établie au Portugal d’exploiter un site Internet fournissant des services audiovisuels. A la suite d’un contrôle fiscal, les autorités hongroises ont ordonné le paiement de diverses sommes, considérant que le transfert de savoir-faire en question ne correspondait pas à une opération économique réelle et que la société hongroise avait commis un abus de droit visant à contourner la législation fiscale. Saisie dans ce contexte, la juridiction de renvoi a, notamment, interrogé la Cour sur les questions de savoir quels critères devaient être pris en compte pour déterminer l’existence d’un abus de droit et quels moyens de preuve sont admis afin d’établir une pratique abusive en matière de TVA. S’agissant de la question des critères devant être pris en compte pour déterminer l’existence d’un abus de droit, la Cour rappelle que la lutte contre la fraude, l’évasion fiscale et les abus éventuels est un objectif reconnu et encouragé par la directive et que le principe d’interdiction des pratiques abusives conduit à prohiber les montages purement artificiels. Toutefois, elle souligne que lorsque l’assujetti a le choix entre 2 opérations, il a le droit de choisir la structure de son activité de manière à limiter sa dette fiscale. A cet égard, il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier quel est le lieu réel de ladite prestation, sur la base d’éléments objectifs et vérifiables par des tiers, tels que l’existence physique de la société portugaise en termes de locaux, de moyens humains et techniques. En revanche, le fait que le gérant et unique actionnaire de la société hongroise soit le créateur du savoir-faire et exerce une influence sur son développement et son exploitation par la société portugaise n’apparaît pas comme un critère décisif. S’agissant des moyens de preuve, la question porte sur l’utilisation de preuves obtenues à l’insu de l’assujetti dans le cadre d’une procédure pénale parallèle au moyen d’interceptions de télécommunications et de saisies de courriers électroniques. La Cour rappelle que les droits fondamentaux garantis dans l’ordre juridique de l’Union ont vocation à être appliqués dans toutes les situations régies par le droit de l’Union. Elle affirme que le droit de l’Union ne s’oppose pas à une telle utilisation de preuves recueillies dans le cadre d’une enquête pénale parallèle, à la condition que l’obtention de ces preuves et leur utilisation ne violent pas les droits garantis par l’Union et, notamment, le droit au respect de la vie privée et le respect des droits de la défense. (JL)