L’Avocat général Øe a présenté, le 9 novembre dernier, ses conclusions concernant l’interprétation du règlement 1048/71/CEE relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté et du règlement 574/72/CEE fixant les modalités d’application du règlement 1408/71/CEE (Altun, aff. C-359/16). La Cour de justice de l’Union européenne a été saisie d’un renvoi préjudiciel par le Hof van Cassatie (Belgique). Dans l’affaire au principal, l’administration nationale a diligenté une enquête sur l’emploi du personnel d’Absa, entreprise de droit belge dans le secteur de la construction qui confiait la totalité des tâches manuelles en sous-traitance à des entreprises bulgares. Ces dernières n’avaient aucune activité en Bulgarie et détachaient des travailleurs afin de les faire travailler en sous-traitance en Belgique. L’emploi des travailleurs n’était pas déclaré auprès de l’institution belge chargée de la perception des cotisations de sécurité sociale, dans la mesure où ces travailleurs disposaient de certificats E 101 délivrés par l’institution bulgare compétente. Les autorités belges ont demandé à cette dernière le retrait des certificats mais celle-ci s’est abstenue de se prononcer sur cette demande. Elles ont alors introduit des poursuites judiciaires à l’encontre des requérants au principal. Saisie dans ce contexte, la juridiction de renvoi a interrogé la Cour sur le point de savoir si un juge autre que celui de l’Etat membre d’envoi peut annuler ou écarter un certificat E 101 délivré en vertu de l’article 11 §1 du règlement 574/72/CEE si les faits soumis à son appréciation permettent de constater que ledit certificat a été obtenu ou invoqué de manière frauduleuse. L’Avocat général considère que la question posée est inédite en ce qu’elle demande à la Cour de déterminer si les considérations sous-jacentes à sa jurisprudence relative au caractère contraignant du certificat E 101 valent également dans l’hypothèse d’une fraude constatée par une juridiction de l’Etat membre d’accueil. Selon lui, obliger une juridiction de l’Etat membre d’accueil à tenir compte dudit certificat, dans une situation où l’institution émettrice de celui-ci s’abstient d’annuler ou de le retirer bien que les autorités de l’Etat membre d’accueil lui ont présenté des éléments qui témoignent de l’existence d’une fraude, équivaudrait à l’obliger à fermer les yeux sur cette fraude. En outre, alors que les règlements en cause ne contiennent pas de définition de cette notion, l’Avocat général estime que la constatation d’une fraude requiert la réunion, d’une part, d’un élément objectif, à savoir, la non-satisfaction des critères prévus dans la règlementation en cause et, d’autre part, d’un élément subjectif, à savoir l’intention de dissimuler le fait que ces conditions n’étaient pas satisfaites. Il appartient, selon lui, au juge national de vérifier si, dans le cas d’espèce, les éléments objectif et subjectif requis pour conclure à l’existence d’une fraude sont réunis. La Cour est libre de suivre ou de ne pas suivre la solution proposée par l’Avocat général. (JJ)