L’Avocat général Wathelet a présenté, le 19 septembre dernier, ses conclusions concernant la compatibilité du traité bilatéral d’investissement conclu entre les Pays-Bas et la Slovaquie et, notamment, du système de règlement des différends entre investisseurs et Etats qu’il contient, avec les articles 18, 267 et 344 TFUE (Achmea, aff. C-284/16). La Cour de justice de l’Union européenne a été saisie d’un renvoi préjudiciel par le Bundesgerichtshof (Allemagne). Dans l’affaire au principal, l’entreprise Achmea a établi en Slovaquie une filiale par l’intermédiaire de laquelle elle offrait des assurances maladies privées. En 2006, la Slovaquie est partiellement revenue sur la libéralisation du marché de l’assurance maladie et a interdit la distribution des bénéfices générés par les activités d’assurance maladie et la vente de portefeuilles d’assurances. L’entreprise a initié contre cet Etat une procédure arbitrale en application du Traité bilatéral d’investissement (« TBI ») Pays-Bas/Tchécoslovaquie, dans le cadre duquel la Slovaquie a soulevé une exception d’incompétence du tribunal arbitral, arguant que le TFUE régissait la même matière que le TBI et que ce dernier devait être considéré comme inapplicable. Elle a introduit un recours en annulation devant les juridictions allemandes. Saisie dans ce contexte, la juridiction de renvoi a interrogé la Cour sur le point de savoir si les articles 18, 267 et 344 TFUE font obstacle à l’application d’une clause d’un accord bilatéral d’investissement entre Etats membres prévoyant la possibilité, pour un investisseur, d’introduire une procédure contre un Etat devant un tribunal arbitral. Tout d’abord, l’Avocat général considère que l’article 18 TFUE ne fait pas obstacle à une telle clause, dans la mesure où le fait que les droits et obligations réciproques créés par le TBI ne s’appliquent qu’à des investisseurs de l’un des 2 Etats membres contractants est une conséquence inhérente à la nature bilatérale des TBI. Ensuite, l’Avocat général estime qu’un tribunal arbitral constitué conformément à l’article 8 de ce TBI constitue une juridiction d’un des Etats membres au sens de l’article 267 TFUE, commune à 2 Etats membres en ce que celui-ci a une origine légale et un caractère permanent, prend des décisions ayant un caractère obligatoire et suit une procédure de nature contradictoire. Il juge, dès lors, que l’article 267 TFUE ne s’oppose pas à une disposition telle que l’article 8 du TBI. Enfin, selon l’Avocat général, un différend entre un investisseur et un Etat membre ne relève pas de l’article 344 TFUE, lequel ne concerne que les litiges entre Etats membres. L’Union n’étant pas partie au TBI, lequel ne ferait donc pas partie du droit de l’Union et la protection accordée aux investissements par le droit de l’Union étant moins large que celle accordée par les TBI, les garanties de protection des investissements que prévoit un tel accord seraient compatibles avec le droit de l’Union. En outre, jugeant que l’article 8 du TBI ne porte pas atteinte à l’ordre des compétences fixé par les TUE et TFUE et à l’autonomie du système juridique de l’Union, l’Avocat général juge que, loin d’exprimer une méfiance envers le système de juridique de l’autre Etat membre partie à l’accord, le recours à l’arbitrage international est le seul moyen pour donner un effet plein et utile aux TBI en créant un for spécialisé où les investisseurs peuvent invoquer les droits qui leur sont conférés par ces accords. (JJ)