Saisie d’un renvoi préjudiciel par le Bundesgerichtshof (Allemagne), la Cour de justice de l’Union européenne a interprété, le 6 mars dernier, l’article 344 TFUE (Achmea, aff. C-284/16). Dans l’affaire au principal, l’entreprise Achmea a établi, en Slovaquie, une filiale par l’intermédiaire de laquelle elle offre des assurances maladies privées. En 2006, la Slovaquie est partiellement revenue sur la libéralisation du marché de l’assurance maladie et a interdit la distribution des bénéfices générés par les activités d’assurance maladie et la vente de portefeuilles d’assurances. L’entreprise a initié contre cet Etat une procédure arbitrale en application du Traité bilatéral d’investissement (« TBI ») Pays-Bas/Tchécoslovaquie, dans le cadre duquel la Slovaquie a soulevé une exception d’incompétence du tribunal arbitral, arguant que le TFUE régissait la même matière que le TBI et que celui-ci devait être considéré comme inapplicable. Saisie dans ce contexte, la juridiction de renvoi a interrogé la Cour sur le point de savoir, notamment, si les articles 267 et 344 TFUE font obstacle à l’application d’une clause d’un accord bilatéral d’investissement entre Etats membres prévoyant la possibilité, pour un investisseur, d’introduire une procédure contre un Etat membre devant un tribunal arbitral. Tout d’abord, la Cour estime que, compte tenu de la nature et des caractéristiques du droit de l’Union européenne, ce dernier doit être considéré à la fois comme faisant partie du droit en vigueur dans tout Etat membre et comme étant issu d’un accord international conclu entre les Etats membres. A ce titre, le tribunal arbitral en cause peut être amené à interpréter voire à appliquer le droit de l’Union et, en particulier, les dispositions relatives aux libertés fondamentales dont la liberté d’établissement et la libre circulation des capitaux. Ensuite, la Cour relève que le tribunal arbitral en cause ne constitue ni un élément des systèmes juridictionnels établis aux Pays-Bas et en Slovaquie ni une juridiction commune à plusieurs Etats membres. Il ne saurait, dès lors, être considéré comme une juridiction d’un des Etats membres au sens de l’article 267 TFUE et n’est pas habilité à saisir la Cour à titre préjudiciel. Enfin, cette dernière considère que les Etats membres parties au TBI ont instauré un mécanisme de règlement des différends susceptible d’exclure que ces litiges, alors même qu’ils pourraient concerner l’interprétation du droit de l’Union, soient tranchés de manière garantissant la pleine efficacité de ce droit. Par ailleurs, l’article 8 du TBI est de nature, selon la Cour, à remettre en cause le principe de confiance mutuelle entre les Etats membres ainsi que la préservation du caractère propre du droit institué par les traités, assurée par la procédure de renvoi préjudiciel, et n’est pas compatible avec le principe de coopération loyale. Partant, la Cour conclut que l’article 8 du TBI porte atteinte à l’autonomie du droit de l’Union. (JJ)