La suspension d’un juge visant essentiellement à le sanctionner et à le dissuader de vérifier la légalité de la nomination des juges recommandés par le Conseil national de la magistrature (« CNM ») constitue une violation de la Convention (6 octobre)
Arrêt Juszczyszyn c. Pologne, requête n°35599/20
La Cour EDH rappelle tout d’abord, conformément à sa motivation dans l’affaire Reczkowicz (requête n°43447/19), que la chambre disciplinaire de la Cour suprême de Pologne n’est pas un tribunal indépendant et impartial établi par la loi. En effet, le processus de nomination des juges était défectueux car le CNM manquait d’indépendance. En outre, il n’existe aucune voie de recours prévue par la Convention pour contester la décision de cet organe. Ainsi, elle considère que la décision de suspendre le requérant de ses fonctions judiciaires au motif d’avoir rendu une décision judiciaire constitue une violation du droit à un tribunal établi par la loi et du droit à un tribunal indépendant et impartial prévus par l’article 6 §1 de la Convention. Ensuite, la Cour EDH note que la suspension a remis en cause sa compétence et son intégrité durant plus de 2 ans, ce qui a affecté sa vie privée et familiale de manière significative. Or, elle observe que lors de l’émission de son ordonnance pour obtenir des informations sur les nominations de juges par l’intermédiaire du nouveau CNM, il était impossible pour le requérant de prévoir que cette demande conduirait à sa suspension. Enfin, la Cour EDH rappelle que les changements apportés au système judiciaire en Pologne ont eu pour but d’affaiblir l’indépendance de la justice, avec une exposition à l’ingérence des pouvoirs exécutifs et législatifs. Dès lors, elle estime que la suspension du requérant avait eu pour unique but de le dissuader d’examiner la procédure de nomination des juges. Partant, la Cour EDH conclut à la violation des articles 6 §1, 8 et 18 de la Convention. (CF)