Saisie d’une requête dirigée contre la Suisse, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 6 juin dernier, l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, relatif à la liberté d’expression (Y c. Suisse, requête n°22998/13). Dans l’affaire au principal, le requérant, ressortissant suisse et journaliste de profession, avait publié un article concernant une procédure pénale en matière de pédophilie en citant plusieurs éléments du dossier d’instruction. Le requérant a été condamné à une amende par les juridictions nationales pour avoir reproduit dans son article des éléments protégés par le secret de l’instruction. Devant la Cour, il estime que cette condamnation a violé son droit à la liberté d’expression. S’agissant de la contribution de l’article à un quelconque débat public, la Cour considère que si la mise en liberté de l’auteur présumé d’infractions portant atteinte à l’intégrité sexuelle d’enfants pendant la procédure préliminaire relevait de l’intérêt général, ni les nombreuses informations détaillées, ni les extraits de la déclaration de la plaignante devant la police n’étaient susceptibles de nourrir un débat public sur le fonctionnement de la justice. De même, elle estime que la contribution de l’article à un débat public sur d’éventuelles omissions au cours de l’enquête était extrêmement limitée. Par ailleurs, la Cour note qu’il existait un risque d’influence de l’article sur la procédure pénale en cours, dans la mesure où le journaliste y exprimait clairement son opinion concernant la culpabilité du prévenu. La Cour observe, ensuite, que l’article décrivant de manière extensive et détaillée les atteintes à l’intégrité sexuelle des victimes et de la plaignante, il portait atteinte à la vie privée de ces derniers. En revanche, la Cour estime que la protection de la vie privée du prévenu n’a pas joué un rôle déterminant dans la mise en balance des intérêts en présence. Ainsi, la Cour observe que les juridictions nationales avaient soigneusement mis en balance les droits concurrents dans l’affaire. Partant, elle conclut à la non-violation de l’article 10 de la Convention (DT).