Saisie d’une requête dirigée contre la Norvège, la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 30 novembre dernier, l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, relatif au droit au respect de la vie privée et familiale (Strand Lobben e.a. c. Norvège, requête n°37283/13 – disponible uniquement en anglais). Les requérants, ressortissants norvégiens, sont une mère, ses enfants ainsi que ses parents. A la suite de sa naissance, l’aîné des enfants a été placé dans un foyer puis adopté par des parents d’accueil. L’autorité parentale a été retirée à sa mère qui a fait appel de cette décision devant les juridictions internes, avant d’être déboutée de ses demandes au motif que si sa situation s’était améliorée depuis le placement de son enfant en foyer d’accueil, elle ne faisait preuve que de peu d’empathie ou de compréhension envers ce dernier, lequel était vulnérable psychologiquement et avait besoin de calme, de sécurité et de soutien. Les autorités norvégiennes ont également tenu compte de la sécurité que ses parents d’accueil, que l’enfant considérait comme ses parents, pouvaient lui fournir dans les années à venir. Devant la Cour, les requérants contestaient la décision des autorités norvégiennes autorisant les parents d’accueil à adopter l’enfant. Ils soutenaient, notamment, que la rupture des liens familiaux ne doit être ordonnée que dans des circonstances exceptionnelles, par exemple, lorsqu’une famille est complètement inapte et qu’il ne suffit pas, pour cela, de démontrer qu’un enfant bénéficierait d’un environnement plus bénéfique s’il était élevé par d’autres personnes. La Cour observe, tout d’abord, que les juridictions nationales ont été confrontées à la tâche délicate de ménager un juste équilibre entre les intérêts concurrents en jeu et que leur décision a été clairement guidée par les intérêts de l’enfant, notamment, par son besoin particulier de sécurité dans son milieu d’accueil compte tenu de son Etat de vulnérabilité psychologique. Elle rappelle, ensuite, que la mère de l’enfant n’a pas évolué en matière de relations personnelles au cours des 3 années durant lesquelles elle a bénéficié d’un droit de visite de son enfant, que le processus décisionnel des juridictions nationales était équitable et que les autorités nationales ont entretenu des contacts directs avec toutes les personnes concernées. Enfin, la Cour considère qu’il existait, en l’espèce, des circonstances exceptionnelles pouvant justifier les mesures en cause, lesquelles étaient motivées par l’exigence impérieuse de l’intérêt supérieur de l’enfant. Partant, la Cour conclut à la non-violation de l’article 8 de la Convention. (MT)