Saisie d’une requête dirigée contre la Russie, la Cour européenne des droits de l’homme a, notamment, interprété, le 20 décembre 2016, les articles 2 et 4 du Protocole n°4 à la Convention européenne des droits de l’homme relatifs, respectivement, à la liberté de circulation et à l’interdiction des expulsions collectives d’étrangers, l’article 3 et l’article 13 combiné à l’article 3 de la Convention relatifs, respectivement, à l’interdiction des traitements inhumains ou dégradants et au droit à un recours effectif (Shioshvili et autres c. Russie, requête n°19356/07 – disponible uniquement en anglais). La 1ère requérante, ressortissante géorgienne et mère des 4 autres requérants, mineurs à l’époque des faits, séjournait illégalement en Russie et a fait l’objet d’une décision judiciaire d’expulsion, alors qu’elle était enceinte de son 5ème enfant. Après la réception de la décision d’expulsion, les 5 requérants ont pris le train pour quitter la Russie. Leur train a été arrêté par les autorités russes qui les ont retenus sur le territoire russe dans des conditions matérielles déplorables pendant une semaine. Devant la Cour, les requérants soutenaient que leur liberté de quitter la Russie a été restreinte de manière injustifiée, qu’ils ont fait l’objet d’une expulsion collective, que les conditions de leur séjour sur le territoire russe étaient contraires à l’interdiction des traitements inhumains ou dégradants et qu’ils étaient privés de la possibilité de former un recours effectif devant une instance russe. S’agissant, tout d’abord, de l’article 2 du Protocole n°4 de la Convention, la Cour observe qu’après l’interruption du voyage des requérants par les autorités russes, ceux-ci ont été contraints d’attendre sur le territoire russe la délivrance d’un visa de transit par les autorités géorgiennes. La Cour relève, par ailleurs, que le gouvernement russe n’a pas expliqué le fondement juridique qui pouvait justifier cette restriction à la liberté de circulation des requérants. Partant, la Cour conclut à la violation de l’article 2 du Protocole n°4 à la Convention. S’agissant, ensuite, de l’article 4 du Protocole n°4 à la Convention, la Cour observe que la 1ère requérante a fait l’objet d’une mesure d’expulsion collective, mise en œuvre à l’époque par les autorités russes à l’encontre des ressortissants géorgiens. A cet égard, la Cour note que son cas n’a pas été examiné de manière individuelle, raisonnable et objective. Par ailleurs, son audience n’a duré que 10 minutes et, malgré une connaissance limitée de la langue russe, elle n’a pas été assistée par un interprète. Partant, la Cour conclut à la violation de l’article 4 du Protocole n°4 à la Convention à l’égard de la première requérante mais non à l’égard des autres requérants qui n’ont pas fait l’objet d’une décision d’expulsion. S’agissant, par ailleurs, de l’article 3 de la Convention, la Cour observe que, durant leur retenue sur le territoire russe, les requérants partageaient un logement avec plusieurs personnes, ils n’avaient pas accès à des soins de santé, leurs ressources économiques ne leur permettaient de se payer qu’une alimentation de base, et les autorités russes ne se sont pas préoccupées ni des besoins particuliers de la 1ère requérante, qui était enceinte, ni de ceux de ses 4 enfants mineurs. La Cour souligne, à cet égard, que les requérants se trouvaient dans une situation de grande vulnérabilité et de dépendance à l’égard des autorités russes, lesquelles sont restées indifférentes. Partant, la Cour conclut, compte tenu des circonstances particulières de l’espèce, à la violation de l’article 3 de la Convention. S’agissant, enfin, de l’article 13 de la Convention, la Cour observe que les plaintes de la 1ère requérante n’ont abouti à aucune investigation officielle de la part des autorités russes. Partant, la Cour conclut à la violation de l’article 13 de la Convention. (DT)