Saisie d’une requête dirigée contre l’Italie, la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme a, notamment, interprété, le 15 décembre dernier, les articles 5 §1, 5 §2, 5 §4 et 3 de la Convention européenne des droits de l’homme relatifs, respectivement, au droit à la liberté et à la sûreté et à l’interdiction des traitements inhumains ou dégradants, ainsi que l’article 4 du Protocole n°4 à la Convention interdisant les expulsions collectives d’étrangers (Khlaifa e.a. c. Italie, requête n°16483/12). Les requérants, ressortissants tunisiens, ont tenté de rejoindre les côtes italiennes sur des embarcations de fortune. Après avoir été secourus, ils ont été hébergés dans un centre d’accueil initial et d’hébergement sur l’île de Lampedusa avant d’être transférés en Sicile où ils ont été embarqués sur des bateaux dans le port de Palerme pendant quelques jours avant d’être refoulés vers la Tunisie. Ils alléguaient avoir été privés de leur liberté, de toute information concernant cette privation et de la possibilité de la contester. Ils arguaient, également, que les conditions de rétention violaient l’article 3 de la Convention et estimaient avoir fait l’objet d’une expulsion collective, contraire à l’article 4 du Protocole n°4 à la Convention. S’agissant des griefs tirés de l’article 5 de la Convention, la Cour observe que les requérants ont été privés de liberté en l’absence de base légale claire et accessible et qu’ils n’ont pas pu bénéficier des garanties fondamentales d’habeas corpus prévues par le droit italien. Elle note, ensuite, qu’aucun document détaillant les raisons juridiques et factuelles de leur privation de liberté n’a été remis aux requérants, les empêchant, de fait, d’introduire un recours contre la détention litigieuse. Partant, la Cour conclut à la violation des articles 5 §1, 5 §2 et 5 §4 de la Convention. S’agissant de l’article 3 de la Convention, la Cour rappelle que, vu le caractère absolu de l’article 3 de la Convention, les facteurs liés à un afflux croissant de migrants ne peuvent pas exonérer les Etats contractants de leurs obligations au regard de cette disposition. Elle constate, néanmoins, que compte tenu de leur âge et de leur état de santé, les traitements dont les requérants se plaignent n’ont pas atteint le seuil de gravité nécessaire pour tomber sous le coup de l’article 3 de la Convention. S’agissant, enfin, de la violation alléguée de l’article 4 du Protocole n°4 à la Convention, la Cour relève que les requérants ont été identifiés à 2 reprises, que leur nationalité a été établie et qu’ils ont eu une possibilité réelle et effective d’invoquer les arguments s’opposant à leur expulsion. Partant, elle conclut à la non-violation de cette disposition. (JL)