Saisie d’une requête dirigée contre la Croatie, la Grande chambre de la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 5 avril dernier, l’article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit d’accès à un tribunal (Zubac c. Croatie, requête n°40160/12). La requérante, ressortissante croate, a demandé l’annulation d’un contrat d’échange de biens immeubles et a introduit une action possessoire devant les juridictions nationales. Ses demandes ont été rejetées. La requérante a formé un pourvoi devant la Cour Suprême croate lequel a été rejeté au motif qu’il présentait une demande d’un montant inférieur à celui déterminant le taux de ressort applicable. Devant la Cour, la requérante alléguait que ce rejet emportait violation de son droit d’accès à un tribunal. Dans un 1erarrêt, la Chambre a conclu à la violation de l’article 6 §1 de la Convention. En l’espèce, la Cour constate, tout d’abord, que la présente affaire ne concerne pas l’existence d’un taux de ressort ou la marge de manœuvre dont disposent les Etats signataires pour le déterminer mais la manière dont il a été appliqué pour rejeter le pourvoi. Elle rappelle que l’article 6 §1 de la Convention garantit à chacun le droit de faire statuer un tribunal sur toute contestation portant sur ses droits et obligations à caractère civil. Ce droit doit être concret et effectif et non pas théorique et illusoire. Elle souligne, ensuite, que ce droit n’est pas absolu et peut donner lieu à des limitations réglementées par les Etats signataires qui jouissent, pour ce faire, d’une certaine marge d’appréciation. De ce fait, les restrictions découlant de l’existence d’un taux de ressort sont généralement admises et il n’appartient pas à la Cour d’apprécier l’opportunité des choix opérés par les Etats signataires. Enfin, pour déterminer si l’application d’un taux de ressort n’emporte pas violation de l’article 6 §1 de la Convention, la Cour applique différents critères, à savoir, la prévisibilité de la restriction, le fait qu’il appartienne à la requérante ou à l’Etat défendeur qui doit supporter les conséquences négatives des erreurs commises au cours de la procédure et qui ont eu pour effet de priver la requérante d’un accès à la juridiction suprême et le point de savoir si les restrictions en question peuvent révéler un formalisme excessif. Dans ce contexte, la Cour considère que l’application du taux de ressort par la Cour Suprême croate est prévisible, que les conséquences négatives sont imputables à la requérante et que la Cour Suprême croate n’a pas fait preuve de formalisme excessif. Partant, elle conclut à la non-violation de l’article 6 §1 de la Convention. (CH)