Saisie d’une requête dirigée contre l’Espagne, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 3 octobre dernier, l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme et l’article 4 du Protocole n°4 à la Convention, relatifs, respectivement, au droit à un recours effectif et à l’interdiction des expulsions collectives (N.D. et N.T. c. Espagne, requêtes n°8675/15 et 8697/15). Les requérants, 2 ressortissants malien et ivoirien, ont tenté de franchir le poste-frontière séparant le Maroc de l’Espagne situé sur l’enclave de Melilla et ont été directement expulsés vers le Maroc par les autorités espagnoles. Devant la Cour, ils soutenaient avoir fait l’objet d’une expulsion collective sans examen individuel de leur situation et dénonçaient l’impossibilité d’avoir pu faire valoir leurs situations individuelles et de contester leur renvoi vers le Maroc devant les autorités. Le gouvernement espagnol considérait, quant à lui, que la requête reposait sur des faits qui se sont produits hors de la juridiction de l’Espagne, étant donné que les requérants ne sont pas allés au-delà du poste-frontière de Melilla. La Cour note, tout d’abord, qu’il n’est pas nécessaire d’établir si la clôture frontalière dressée entre le Maroc et l’Espagne se situe ou non en Espagne et rappelle que, dès lors qu’il y a contrôle par les autorités sur autrui, il s’agit d’un contrôle de droit exercé sur des individus par un Etat et que les violations alléguées relèvent de la juridiction de l’Espagne. Elle considère, ensuite, que les requérants qui se trouvaient sous le contrôle continu et exclusif des autorités espagnoles, ont été expulsés et renvoyés vers le Maroc contre leur gré, ce qui constitue une expulsion au sens de l’article 4 du Protocole n°4 à la Convention. En l’absence de tout examen de la situation individuelle des requérants, la Cour estime que l’éloignement des requérants revêtait un caractère collectif et conclut à la violation de l’article 4 du Protocole n°4 à la Convention. S’agissant, enfin, de la violation du droit à un recours effectif, la Cour constate que les requérants ont été repoussés immédiatement par les autorités et qu’ils n’ont eu accès ni à des interprètes ni à une assistance juridique les informant des dispositions pertinentes du droit d’asile ou des procédures à leur disposition pour contester leur expulsion. Dans ces conditions, la Cour considère que les requérants ont été privés de toute voie de recours leur permettant de soumettre leur grief à une autorité compétente et de bénéficier d’un contrôle attentif et rigoureux de leur demande avant leur renvoi. Partant, la Cour conclut à la violation de l’article 13 de la Convention combiné avec l’article 4 du Protocole n°4 à la Convention. (AT)