Saisie d’une requête dirigée contre le Danemark, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 25 mars dernier, l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit au respect de la vie privée et familiale, lu seul et en combinaison avec l’article 14, prohibant la discrimination dans la jouissance des droits conférés par la Convention (Biao c. Danemark, requête n°38590/10 – disponible uniquement en anglais). Les requérants, un ressortissant danois d’origine togolaise et son épouse ghanéenne, se plaignaient du refus opposé par les autorités danoises à leur demande de regroupement familial, au motif qu’ils ne répondaient pas à la condition d’attachement prévue par le droit national, selon laquelle un couple demandant un regroupement familial ne doit pas avoir avec un autre pays, en l’occurrence le Ghana, des liens plus forts qu’avec le Danemark. En outre, les requérants soutenaient qu’une modification de la loi sur les étrangers datant de 2003 qui supprimait, notamment, la condition d’attachement pour les titulaires de la nationalité danoise depuis au moins 28 ans, avait entraîné une différence de traitement entre les danois de naissance et les danois naturalisés. La Cour rappelle que l’obligation d’un Etat d’admettre sur son territoire des proches de personnes résidant sur son sol varie en fonction des circonstances. A cet égard, elle relève que l’épouse n’est aucunement attachée au Danemark, si ce n’est qu’elle a épousé le requérant. Elle note, de plus, que la loi prévoyant la condition d’attachement est entrée en vigueur avant la date de leur mariage et que, dès lors, les requérants ne pouvaient pas ne pas être au courant de la nature précaire du statut d’immigration de l’intéressée lorsqu’elle est entrée au Danemark avec un visa touristique. Enfin, la Cour relève que le refus d’octroyer un permis de séjour danois à l’épouse n’empêchait pas le couple d’exercer son droit à la vie familiale dans un autre pays. Partant, la Cour conclut à la non-violation de l’article 8 de la Convention. Concernant l’article 14, la Cour considère que le refus d’exempter l’époux de la condition d’attachement moins de 2 ans après qu’il ait obtenu la nationalité danoise est proportionné à la finalité de la règle des 28 ans, permettant une telle exemption, qui est de favoriser les étrangers ayant des liens durables avec le Danemark. Les autorités danoises ont donc, selon la Cour, ménagé un juste équilibre entre l’intérêt général à assurer un contrôle effectif de l’immigration et la nécessité pour les requérants de bénéficier d’un regroupement familial. Partant, la Cour conclut à la non-violation de l’article 14 combiné à l’article 8 de la Convention. (FS)