Saisie d’un renvoi préjudiciel par le Hoge Raad der Nederlanden (Pays‑Bas), la Cour de justice de l’Union européenne a, notamment, interprété, le 16 juillet dernier, l’article 34, point 1, du règlement 44/2001/CE concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, dit règlement « Bruxelles I », lequel est relatif à la possibilité de refus de la reconnaissance d’une décision de justice pour contrariété à l’ordre public (Diageo Brands, aff. C-681/13). Dans l’affaire au principal, un litige opposant une société néerlandaise titulaire d’une marque et un importateur bulgare exclusif concernant l’importation de produits mis en circulation en dehors de l’Espace économique européen a fait l’objet d’une décision de justice rendue par une juridiction bulgare. La décision rendue a fait droit à la société bulgare et n’a pas fait l’objet d’un recours. La société bulgare a alors saisi les juridictions néerlandaises d’une demande indemnitaire fondée sur la décision favorable. La société néerlandaise invoquait la contrariété à l’ordre public néerlandais pour s’opposer à la reconnaissance de la décision bulgare par les juridictions néerlandaises. Cette dernière soutenait, en effet, que la juridiction bulgare aurait fait une application manifestement erronée du droit de l’Union en se fondant sur une décision interprétative antérieure de la Cour suprême de cassation bulgare qui serait entachée d’une erreur de fond et aurait été, au surplus, adoptée en méconnaissance de l’obligation qui incombait à cette dernière de poser une question préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE. Saisie dans ce contexte, la juridiction de renvoi a interrogé la Cour sur le point de savoir si le fait qu’une décision d’une juridiction d’un Etat membre est manifestement contraire au droit de l’Union et a été rendue en violation de garanties d’ordre procédural constitue un motif de refus de reconnaissance au titre de l’article 34, point 1, du règlement « Bruxelles I » et si le juge de l’Etat membre requis doit tenir compte du fait que la personne qui s’oppose à cette reconnaissance n’a pas exercé les voies de recours prévues par la législation de l’Etat d’origine. La Cour rappelle, tout d’abord, l’importance du principe de confiance mutuelle, qui implique que la clause d’ordre public soit interprétée de manière stricte et seulement lorsque la décision heurterait de manière inacceptable l’ordre juridique de l’Etat requis. Cette interprétation restrictive est applicable lorsque l’erreur manifeste porte sur une règle du droit de l’Union. En effet, la Cour précise que le juge ne saurait refuser la reconnaissance d’une décision au seul motif qu’il estime que le droit national ou le droit de l’Union a été mal appliqué. Il importe de considérer que le système des voies de recours mis en place dans chaque Etat membre, complété par le mécanisme du renvoi préjudiciel, fournit aux justiciables une garantie suffisante. La Cour observe, ensuite, que la décision litigieuse était susceptible de faire l’objet d’un recours et constate que la société néerlandaise n’a pas été privée de la protection garantie par les voies de recours internes et complétée par le renvoi préjudiciel. Partant, elle conclut que, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, l’article 34, point 1, du règlement « Bruxelles I » ne peut être invoqué pour refuser la reconnaissance de la décision d’une juridiction d’un autre Etat membre contraire au droit de l’Union. (JL)