Saisie d’un renvoi préjudiciel par le Landgericht Dortmund (Allemagne), la Cour de justice de l’Union européenne a, notamment, interprété, le 21 mai dernier, l’article 6, point 1, du règlement 44/2001/CE concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, dit règlement « Bruxelles I », lequel prévoit qu’un défendeur peut être attrait, s’il y a plusieurs défendeurs, devant le tribunal du domicile de l’un d’entre eux à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu’il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps (CDC, aff. C-352/13). En l’espèce, la société requérante a engagé une action en réparation devant la juridiction de renvoi à l’encontre de 6 entreprises sur le fondement d’une décision de la Commission européenne ayant constaté une infraction à l’interdiction des ententes visée à l’article 101 TFUE. A la suite de la conclusion d’une transaction, la requérante a abandonné l’action à l’encontre de l’une des entreprises, qui est la seule à être établie en Allemagne, les autres étant établies dans 5 Etats membres différents. La juridiction de renvoi a, notamment, interrogé la Cour sur le point de savoir si l’article 6, point 1, du règlement « Bruxelles I » doit être interprété en ce sens que la règle de concentration des compétences en cas de pluralité de défendeurs peut s’appliquer à l’égard d’une action visant à la condamnation à titre solidaire à des dommages et intérêts d’entreprises qui ont participé de façon différente, sur les plans géographique et temporel, à une infraction unique et continue à l’interdiction des ententes, et cela même lorsque le demandeur s’est désisté de son action à l’égard du seul des codéfendeurs qui est domicilié dans l’Etat membre du siège de la juridiction saisie. La Cour relève que, malgré le fait que c’est de façon disparate que les entreprises ont participé à la mise en œuvre de l’entente concernée, celle-ci constituait, aux termes de la décision de la Commission, une infraction unique et continue. Toutefois, cette décision ne fixe pas les conditions de leur éventuelle responsabilité civile, celle-ci étant déterminée par le droit national de chaque Etat membre. Dès lors que les différents droits nationaux sont susceptibles de diverger quant aux conditions de la responsabilité civile des participants à l’entente, la Cour relève l’existence d’un risque de décisions inconciliables au cas où des actions seraient engagées par une victime de l’entente devant les juridictions de différents Etats membres. Par conséquent, la règle de concentration des compétences de l’article 6, point 1, du règlement « Bruxelles I » est applicable, d’autant plus qu’en présence de la décision de la Commission, les participants à l’entente devaient s’attendre à être poursuivis devant les juridictions d’un Etat membre dans lequel l’un d’entre eux est domicilié. A cet égard, la Cour précise que le désistement du demandeur à l’égard du seul des codéfendeurs domicilié dans le ressort de la juridiction saisie n’affecte pas, en principe, la compétence de celle-ci pour connaître des recours dirigés à l’encontre des autres codéfendeurs. (SB)