Saisie d’un renvoi préjudiciel par l’Oberster Gerichtshof (Autriche), la Cour de justice de l’Union européenne a interprété, le 25 janvier dernier, les articles 15 et 16 du règlement 44/2001/CE concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, dit « règlement Bruxelles I », lesquels sont relatifs à la compétence judiciaire en matière de contrats conclus par les consommateurs (Maximilian Schrems c. Facebook Ireland Limited, aff. C-498/16). Dans l’affaire au principal, le requérant, domicilié en Autriche, est spécialisé en droit de la protection des données personnelles et a créé, en 2011, une page Facebook contenant des informations sur ses conférences, ses interventions dans les médias et ses publications, en plus des 2 comptes privés qu’il avait précédemment créés, en 2008 et 2010. Il a intenté une action contre Facebook devant les juridictions autrichiennes, en alléguant la violation de ses droits au respect de la vie privée et à la protection de ses données personnelles, ainsi que ceux de 7 autres utilisateurs, lui ayant cédé leurs droits, domiciliés dans d’autres Etats membres ou dans des Etats tiers. Facebook conteste la compétence des juridictions autrichiennes, en soutenant que le requérant ne peut être considéré comme un consommateur en raison de l’usage professionnel de son compte Facebook et que les règles régissant le for du consommateur ne bénéficient à un consommateur que lorsqu’il est personnellement partie à un litige. Saisie dans ce contexte, la juridiction de renvoi a interrogé la Cour sur les points de savoir, d’une part, si l’article 15 du règlement doit être interprété en ce sens qu’un utilisateur d’un compte Facebook privé ne perd pas la qualité de consommateur lorsqu’il publie des livres, donne des conférences, exploite des sites Internet, collecte des dons et se fait céder les droits de nombreux consommateurs afin de faire valoir ces derniers en justice et, d’autre part, si le consommateur peut invoquer le for spécial du consommateur, prévu à l’article 16 du règlement, non seulement eu égard à ses propres prétentions mais aussi à celles qui lui ont été cédées par d’autres consommateurs ayant leur domicile dans le même Etat membre, dans d’autres Etats membres ou dans des Etats tiers. S’agissant de la 1ère question, la Cour considère que l’exercice d’activités telles que la publication de livres, la tenue de conférences ou la collecte de dons n’implique pas qu’un individu perde sa qualité de consommateur lorsqu’il souhaite faire valoir des droits concernant son propre compte Facebook utilisé à des fins privées. S’agissant de la 2nde question, la Cour estime que la considération selon laquelle le demandeur qui n’est pas lui-même partie au contrat de consommation en cause ne peut bénéficier du for du consommateur doit également valoir à l’égard d’un consommateur cessionnaire des droits d’autres consommateurs. Partant, la Cour conclut que l’article 16 du règlement doit être interprété en ce sens qu’il ne s’applique pas à l’action d’un consommateur visant à faire valoir, devant le tribunal du lieu où il est domicilié, non seulement ses propres droits, mais également des droits cédés par d’autres consommateurs domiciliés dans le même Etat membre, dans d’autres Etats membres ou dans des Etats tiers. (AT)