Saisie d’un renvoi préjudiciel par le Handelsgericht Wien (Autriche), la Cour de justice de l’Union européenne a, notamment, interprété, le 28 janvier dernier, les articles 5, point 3, et 15 §1 du règlement 44/2001/CE concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, dit « règlement « Bruxelles I » », lesquels prévoient des règles de compétence exorbitantes (Kolassa, aff. C-375/13). En l’espèce, le requérant a acheté, en qualité de consommateur, par l’intermédiaire d’une banque autrichienne, des obligations au porteur émises par une banque établie au Royaume-Uni. A la suite de la dévalorisation de celles-ci, le requérant a introduit auprès de la juridiction de renvoi une demande de dommages-intérêts au titre de la responsabilité contractuelle, précontractuelle et délictuelle de la banque britannique. Cette dernière a contesté la compétence de la juridiction de renvoi. Saisie dans ce contexte, la Cour relève, s’agissant de la règle de compétence posée à l’article 15 §1 du règlement, qu’il n’existe pas a priori de contrat entre la banque britannique et le requérant puisque ce dernier n’est pas le porteur des obligations, celles-ci étant conservées par la banque autrichienne. Or, la Cour considère que l’exigence de la conclusion d’un contrat avec le professionnel mis en cause ne se prête pas à une interprétation selon laquelle une telle exigence se trouverait remplie en présence d’une chaîne de contrats en application de laquelle certains droits et obligations du professionnel en cause sont transférés vers le consommateur. Partant, la Cour conclut que l’article 15 §1 du règlement doit être interprété en ce sens qu’un consommateur qui a acquis une obligation au porteur auprès d’un tiers professionnel, sans qu’un contrat soit conclu entre le consommateur et l’émetteur de l’obligation, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, ne peut se prévaloir de la compétence prévue à cette disposition aux fins de l’action introduite contre l’émetteur et fondée sur les conditions d’emprunt, la violation des obligations d’information et de contrôle. S’agissant de la règle de compétence posée à l’article 5, point 3, du règlement, la Cour considère que les juridictions du domicile du demandeur sont compétentes, au titre de la matérialisation du dommage, pour connaître d’une telle action lorsque le dommage se réalise directement sur un compte bancaire du demandeur auprès d’une banque établie dans le ressort de ces juridictions. En effet, l’émetteur d’une obligation qui ne remplit pas ses obligations légales relatives au prospectus doit, lorsqu’il décide de faire notifier ce dernier dans d’autres Etats membres, s’attendre à ce que des opérateurs insuffisamment informés, domiciliés dans ces Etats membres, subissent le dommage. (SB)