Saisie d’un recours dirigé contre la Roumanie, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 3 octobre dernier, l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif à l’interdiction des traitements inhumains et dégradants, ainsi que l’article 14 combiné avec l’article 8 de la Convention, lesquels sont relatifs, respectivement, à l’interdiction de la discrimination et au droit au respect de la vie privée et familiale (Enache c. Roumanie, requête n°16986/12). Le requérant, ressortissant roumain, est incarcéré en Roumanie et père d’un enfant âgé de quelques mois. Il a formé une demande de report de l’exécution de sa peine sur le fondement des dispositions du code de procédure pénale roumain qui prévoit une telle possibilité pour les mères condamnées ayant un enfant de moins d’un an. Sa demande a été rejetée au motif que cette disposition est d’interprétation stricte et qu’elle ne peut pas être transposée aux hommes par analogie. En outre, le requérant a dénoncé ses conditions de détention au regard du surpeuplement carcéral, de l’humidité dans les cellules et du manque d’hygiène général. Devant la Cour, il se plaignait, d’une part, des conditions matérielles de sa détention et, d’autre part, d’avoir été victime d’une discrimination fondée sur le sexe par rapport aux femmes détenues. S’agissant de la violation alléguée de l’article 3 de la Convention, la Cour estime que les conditions de détention du requérant l’ont soumis à une épreuve d’une intensité qui excédait le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention. Partant, elle conclut à la violation de l’article 3 de la Convention. S’agissant de la violation alléguée de l’article 14 combiné à l’article 8 de la Convention, la Cour vérifie, tout d’abord, si la situation du requérant était comparable à celle d’une femme détenue ayant un enfant de moins d’un an. Elle relève que la disposition litigieuse vise en premier lieu l’intérêt supérieur de l’enfant, afin de s’assurer qu’il reçoive l’attention et les soins adéquats durant sa 1ère année de vie. A cet égard, elle estime que tant le père que la mère peuvent apporter à l’enfant cette attention et ces soins et que le requérant se trouve, ainsi, dans une situation comparable à celle des femmes détenues. La Cour examine, ensuite, le point de savoir si la différence de traitement était objectivement justifiée. Elle commence par rappeler qu’une différence de traitement est discriminatoire si elle est dépourvue d’une justification objective et raisonnable. En l’espèce, la Cour prend en considération le fait qu’il existe des liens entre la mère et l’enfant pendant la grossesse de la femme détenue et la période précédant le 1er anniversaire du nouveau-né. Elle souligne, également, que la maternité présente des spécificités qu’il convient de prendre en compte. Dès lors, elle estime que, compte tenu de la marge d’appréciation qu’elle reconnaît à la Roumanie, il existe un rapport de proportionnalité entre les moyens employés et le but légitime recherché et que l’exclusion litigieuse ne constitue pas une différence de traitement. Partant, elle conclut à la non-violation de l’article 14 combiné avec l’article 8 de la Convention. (CB)