Saisie d’une requête dirigée contre la Belgique, la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 23 mai dernier, les articles 6 §1 et 6 §3 sous d), de la Convention européenne des droits de l’homme relatifs, respectivement, au droit à un procès équitable et au droit d’interroger les témoins (Van Wesenbeeck c. Belgique, requêtes n°67496/10 et 52936/12). Le requérant, ressortissant néerlandais, a fait l’objet d’une enquête comprenant le recours aux méthodes particulières d’observation et d’infiltration, étant donné qu’il était soupçonné de trafic de drogue, de participation à une organisation criminelle internationale et de blanchiment d’argent. Conformément au droit national, un dossier séparé et confidentiel a été établi par les autorités belges, tandis que 2 procès-verbaux décrivant les éléments recueillis à l’aide de ces mesures particulières de recherche ont été joints au dossier répressif. A la suite de cette enquête, le requérant a été condamné définitivement. Devant la Cour, le requérant estimait que son droit à un procès équitable avait été violé en raison de l’absence d’accès au dossier confidentiel et que son droit d’interroger les témoins n’avait pas été respecté puisqu’il n’avait pas pu interroger les agents infiltrés. S’agissant de la violation alléguée de l’article 6 §1 de la Convention, la Cour rappelle qu’en principe, l’impossibilité pour la défense de consulter un dossier confidentiel et séparé peut être compatible avec la Convention, pour autant qu’elle permette la sauvegarde des intérêts concurrents, tels que la nécessité de protéger des témoins. Toutefois, toute mesure qui restreint les droits de la défense doit être nécessaire et cette limitation doit être suffisamment compensée par des garanties suffisantes devant les autorités judiciaires. En l’espèce, la Cour relève que la raison d’être du dossier confidentiel réside dans le motif légitime de protéger l’anonymat et donc la sécurité des agents infiltrés et de garder secrètes les méthodes utilisées. Par ailleurs, un contrôle de la régularité de la mise en œuvre des méthodes particulières de recherche a été effectué par le juge national, qui a pu examiner si des éléments figurant dans le dossier confidentiel ne devaient pas faire partie du dossier répressif. Ce contrôle constitue une garantie importante qui vient compenser la restriction des droits de la défense du requérant. Partant, la Cour conclut à la non-violation de l’article 6 §1 de la Convention. S’agissant de la violation alléguée de l’article 6 §3 sous d), la Cour relève que le requérant a eu l’occasion de contester les éléments recueillis par l’intervention des agents infiltrés. Il existait donc des garanties procédurales suffisantes pour contrebalancer les restrictions au droit de la défense pour assurer l’équité de la procédure dans son ensemble. Partant, la Cour conclut à la non-violation de l’article 6 §3 de la Convention. (DT)