Saisie d’une requête dirigée contre la France, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 17 avril dernier, l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit à la vie (Guerdner e.a. c. France, requête n°68780/10). Les requérants, 12 ressortissants français, sont les membres de la famille d’un homme qui a été placé en garde à vue et tué par un gendarme alors qu’il tentait de s’évader. Invoquant l’article 2 de la Convention, les requérants alléguaient que leur proche avait été tué de manière injustifiable et qu’il n’y avait pas eu d’enquête indépendante ni de procès impartial sur les circonstances du décès. La Cour se prononce, en premier lieu, sur la violation alléguée de l’article 2 sous son volet matériel. A cet égard, elle rappelle que le devoir d’assurer le droit à la vie implique, notamment, pour l’Etat, l’obligation de mettre en place un cadre définissant les circonstances dans lesquelles les représentants de la loi peuvent recourir à la force. La Cour estime que ce cadre doit subordonner le recours aux armes à feu à une appréciation minutieuse des faits et à une évaluation de la menace que le fugitif représente. La Cour relève que le gendarme a été acquitté car il avait accompli un acte autorisé par le droit interne. Elle estime également que le cadre juridique pertinent sur l’usage de la force est conforme à la locution « absolument nécessaire » contenue à l’article 2 §2 de la Convention et qu’il n’y a pas eu violation de cette disposition à cet égard. Cependant, la Cour n’est pas convaincue que le recours à la force contre l’intéressé reposait sur la conviction que celui-ci constituait une menace réelle. Elle considère que d’autres possibilités s’offraient au gendarme pour tenter l’arrestation et qu’une force manifestement excessive a été employée contre la victime. Partant, la Cour conclut à la violation de l’article 2 sous son volet matériel. Concernant la violation alléguée de l’article 2 sous son volet procédural, la Cour étudie, tout d’abord, le caractère indépendant de l’enquête confiée à l’Inspection générale de la gendarmerie. Elle note que cette Inspection a une compétence nationale, indépendante des formations de la gendarmerie et possède sa propre chaîne de commandement. La Cour ne relève, de plus, aucun élément qui révèlerait des carences de l’enquête destinées à soustraire des éléments de preuve au contrôle judiciaire. Elle considère donc que l’enquête a été indépendante. Elle se penche, ensuite, sur l’impartialité des autorités judiciaires et constate, à cet égard, que celles-ci avaient mené une enquête sérieuse en procédant à un examen scrupuleux des éléments exigés par l’article 2 de la Convention. Elle rappelle, également, que cet article n’implique pas une obligation de résultat supposant que toute poursuite doit se solder par une condamnation. La Cour estime donc que les requérants n’ont pas établi que les autorités judiciaires ont manqué d’impartialité. Partant, elle conclut à l’absence de violation de l’article 2 sous son volet procédural. (FS)