Saisie d’une requête dirigée contre la Lettonie, la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 23 mai dernier, l’article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit à un procès équitable (Avotins c. Lettonie, requête n°17502/07). Le requérant, ressortissant letton, a signé une reconnaissance de dette contenant une clause de choix de loi et de for en vertu de laquelle le contrat était régi à tous égards par la loi chypriote, les tribunaux ayant une compétence non exclusive pour connaître de tous les litiges pouvant en découler. Le cocontractant du requérant l’a assigné devant une juridiction chypriote afin que ce dernier rembourse la dette. La procédure a été notifiée par courrier au requérant à son adresse lettone et un jugement, rendu par défaut, l’a condamné à rembourser la dette en question, sans qu’il ait pris connaissance de la requête introductive. Le jugement contre lequel aucun recours n’a été exercé a fait l’objet d’une demande de reconnaissance et d’exécution devant les juridictions lettones, en application du règlement 44/2001/CE concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, lesquelles y ont fait droit. Le requérant alléguait que l’exequatur accordée par les juridictions lettones au jugement chypriote rendu au mépris de ses droits de la défense constituait une violation de l’article 6 §1 de la Convention. Dans son arrêt de Chambre du 25 février 2014, la Cour européenne des droits de l’homme a rappelé que la protection des droits fondamentaux garantie par l’Union européenne était en principe équivalente à celle assurée par la Convention et que, dès lors que le requérant n’avait pas contesté le jugement devant une juridiction chypriote, les juridictions lettones avaient tenu suffisamment compte de ses droits découlant de l’article 6 §1 de la Convention. Par conséquent, elle avait conclu à l’absence de violation dudit article. La Cour rappelle, tout d’abord, que même lorsqu’ils appliquent le droit de l’Union, les Etats contractants demeurent soumis aux obligations découlant de la Convention. Après avoir rappelé le principe de présomption d’équivalence de la protection des droits fondamentaux par l’Union, elle examine les 2 conditions auxquelles celle-ci est soumise, à savoir l’absence de marge de manœuvre des autorités nationales et le déploiement de l’intégralité des potentialités du mécanisme de contrôle prévu par le droit de l’Union. Elle considère que la juridiction lettone ne disposait d’aucun pouvoir d’appréciation en application du règlement et que le requérant n’ayant introduit aucune demande de question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne, l’absence de renvoi préjudiciel n’est pas un facteur déterminant en l’espèce. Elle conclut que la présomption de protection équivalente doit s’appliquer dans l’affaire en cause. La Cour vérifie, ensuite, que le mécanisme de reconnaissance mutuelle des décisions de justice ne laisse subsister aucune lacune donnant lieu à une insuffisance manifeste de la protection des droits garantis par la Convention. A cet égard, la Cour rappelle que les principes du contradictoire et de l’égalité des armes sont des éléments fondamentaux du procès équitable et doivent s’appliquer au domaine de la notification et de la signification des actes. Elle note qu’en application de l’article 34 du règlement, la non-reconnaissance ne peut être demandée qu’à la condition d’avoir exercé au préalable un recours à l’encontre de la décision. Elle précise que cette condition n’est pas, dans les circonstances particulières de l’espèce, de nature à renverser la présomption de protection équivalente. Partant, elle conclut à la non-violation de l’article 6 §1 de la Convention. (JL)