L’Avocat général Bobek a présenté, le 13 juillet dernier, ses conclusions concernant la détermination de la juridiction compétente dans des affaires délictuelles ou quasi-délictuelles, dans le cadre d’un litige concernant la publication d’informations sur Internet (Bolagsupplysningen et Ilsjan, aff. C-194/16). Saisie d’un renvoi préjudiciel par la Riigikohus (Estonie), la Cour de justice de l’Union européenne est invitée à interpréter l’article 7 §2 du règlement 1215/2012/UE concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, lequel est relatif à la compétence juridictionnelle en matière délictuelle ou quasi-délictuelle. Dans l’affaire au principal, une société établie à Talinn, qui réalise la plus grande part de son activité économique en Suède, a été inscrite par une association d’employeurs suédois sur une liste noire publiée sur son site Internet affirmant que celle-ci commet des actes de fraude et de tromperie. Saisie dans ce contexte, la juridiction de renvoi a interrogé la Cour sur le point de savoir si le règlement doit être interprété en ce en ce sens qu’une personne peut faire valoir ses demandes de rectification des données devant les juridictions de l’Etat membre dans lequel se trouve le centre de ses intérêts. Tout d’abord, l’Avocat général considère qu’il n’existe aucune raison valable justifiant que les règles de compétence spéciale, y compris le chef de compétence fondé sur le critère de centre des intérêts, soient différentes selon que le requérant est une personne physique ou une personne morale. Il propose, ensuite, une rationalisation des chefs de compétence spéciale prévus par les jurisprudences Shevill (aff. C-68/93) et eDate (aff. jointes C-509/09 et C-161/10). En effet, selon lui, l’extension automatique de l’approche de ce 1er arrêt qui est relatif à des publications papier, à des publications sur Internet, extension opérée dans le 2nd arrêt, est problématique en ce qu’elle n’a pas totalement pris en compte les différences considérables qui existent entre les 2 types de média. Il suggère, enfin, de revenir aux racines de la responsabilité délictuelle du règlement, en définissant 2 cas de figure, à savoir le lieu où le fait générateur du préjudice est survenu et le lieu où ce préjudice est survenu, ce dernier étant défini comme le lieu où la réputation du requérant a été le plus fortement atteinte. Ce dernier correspond au lieu du centre des intérêts du requérant, dont la définition doit tenir compte du lieu d’établissement ou du domicile de la personne morale, du chiffre d’affaires et du nombre de clients et de contacts professionnels. Il pourrait exister plusieurs centres des intérêts pour chaque demande spécifique, situation dans laquelle il appartiendrait au requérant de faire un choix et de choisir les tribunaux de l’un des Etats membres concernés. La Cour est libre de suivre ou de ne pas suivre la solution proposée par l’Avocat général. (JJ)