Saisie d’un renvoi préjudiciel par la Supreme Court of the United Kingdom (Royaume-Uni), la Grande chambre de la Cour de justice de l’Union européenne a interprété, le 24 avril dernier, l’article 2, sous e) et l’article 15, sous b), de la directive 2004/83/CE concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts (MP, aff. C-353/16). Dans l’affaire au principal, un ressortissant sri lankais a introduit une demande d’asile au Royaume-Uni au motif qu’il avait été détenu et torturé dans le passé par les autorités sri lankaises. Saisie dans ce contexte, la juridiction de renvoi a interrogé la Cour sur le point de savoir si la définition de personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire de la directive inclut un risque réel d’atteinte grave à la santé physique et psychologique du demandeur au cas où celui-ci serait renvoyé dans son pays d’origine, lequel risque résulterait de la torture ou du traitement inhumain ou dégradant subis par le demandeur dans le passé et dont le pays d’origine est responsable. La Cour rappelle, tout d’abord, qu’un ressortissant d’un pays tiers ne peut bénéficier de la protection subsidiaire que s’il existe des motifs sérieux et avérés de croire que, en cas de renvoi dans son pays d’origine, il court un risque réel de subir l’un des trois types d’atteinte graves définies dans la directive. La circonstance selon laquelle la personne concernée a été victime, dans le passé, d’actes de torture perpétrés par les autorités de son pays d’origine ne permet pas de justifier, à elle seule, que lui soit reconnu le bénéfice de la protection subsidiaire à un moment où il n’existe plus de risque réel que ces actes se reproduisent en cas de renvoi dans ce pays. La Cour relève, ensuite, que l’article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, lu à la lumière de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, doit s’interpréter en ce sens que l’éloignement d’un ressortissant d’un pays tiers constitue un traitement inhumain et dégradant si celui-ci entraine le risque réel et avéré d’une détérioration significative et irrémédiable de son état de santé. La Cour précise, cependant, qu’une aggravation substantielle des troubles psychologiques du requérant ne peut être considérée comme un traitement inhumain ou dégradant. La Cour considère, enfin, qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier si le requérant est susceptible de se voir exposé, en cas de renvoi dans son pays d’origine, à un risque de privation intentionnelle de soins adaptés à la prise en charge de ses séquelles physiques et mentales. (MG)