Saisie de 2 requêtes dirigées contre la Croatie, la Grande chambre de la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 20 mars dernier, l’article 1er du Protocole n°1 à la Convention européenne des droits de l’homme relatif à la protection de la propriété (Radomilja et autres c. Croatie, requêtes n°37685/10 et 22768/12). Les requérants, ressortissants croates, ont, par une action en justice, demandé à être déclarés propriétaires par voie de prescription acquisitive de terrains en propriété sociale. Ils avançaient que ces biens avaient été en possession de leurs prédécesseurs en titre pendant, respectivement, plus de 70 ans et de 100 ans. Les juridictions nationales ont rejeté leur demande. Devant la Cour, les requérants alléguaient que ces décisions emportaient violation de leur droit à la protection de la propriété. Dans un 1er arrêt, la Chambre a conclu à la violation de l’article 1er du Protocole n°1. La Cour relève, tout d’abord, qu’elle ne peut statuer que sur la base des recours dont elle est saisie. Si, dans leurs griefs, les requérants évoquaient des durées de possession de 70 et 100 ans, durant la procédure devant la chambre, ils ont explicitement exclu de leurs griefs une période de 50 ans. La Cour souligne, ensuite, que l’adjonction de 50 ans à la base factuelle des griefs s’analyse en une modification de la substance de ceux-ci et revient à saisir la Grande chambre de griefs nouveaux et distincts, lesquels sont irrecevables dans la mesure où ils ont été formulés plus de 6 mois après la fin des procédures internes. La Cour rappelle, ensuite, qu’un requérant ne peut alléguer une violation de l’article 1er du Protocole n°1 à la Convention que dans la mesure où les décisions qui l’incriminent se rapportent à ses biens au sens de cette disposition ou s’il peut prétendre avoir, au moins, une espérance légitime d’obtenir la jouissance effective d’un droit de propriété, celle-ci devant être rattachée à un intérêt patrimonial pour lequel il existe une base juridique suffisante en droit national. La Cour souligne, enfin, que son pouvoir de contrôler le respect du droit national est limité et qu’un requérant ne peut passer pour jouir d’une créance suffisamment certaine lorsqu’il y a controverse sur la façon dont le droit national doit être interprété et appliqué. A ce titre, elle ne voit aucune raison de réfuter les constats factuels des juridictions nationales ou l’application, par ces dernières, du droit national et la conclusion qui en découle, à savoir que les requérants n’ont pas satisfait aux conditions d’acquisition des terrains par voie de prescription acquisitive. La Cour considère, dès lors, que les prétentions des requérants à être reconnus propriétaires des terrains en question n’avaient pas une base suffisante en droit national pour être qualifiés de biens au sens de la Convention. Partant, la Cour conclut à la non-violation de l’article 1 du Protocole n°1 à la Convention. (MG)