Saisie d’un renvoi préjudiciel par le Hanseatisches Oberlandesgericht Hamburg (Allemagne), la Cour de justice de l’Union européenne a interprété, le 29 juin dernier, l’article 54 de la convention d’application de l’accord de Schengen (« CAAS »), lu à la lumière de l’article 50 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, lesquels prévoient le principe ne bis in idem (Kossowski, aff. C-486/14). En l’espèce, une juridiction régionale allemande a refusé d’ouvrir une procédure de jugement à l’encontre d’un suspect dans le cadre d’une affaire d’extorsion, au motif que le principe ne bis in idem s’y opposait. En effet, un parquet en Pologne, où le suspect avait été arrêté au sujet d’une autre infraction pénale, avait déjà ouvert contre lui une procédure d’instruction pour les mêmes faits et y avait mis définitivement fin, au motif que le suspect avait refusé de faire une déposition et que la victime et un témoin résidaient en Allemagne, si bien qu’ils n’avaient pas pu être entendus. La juridiction de renvoi a interrogé la Cour sur le point de savoir si le principe ne bis in idem énoncé à l’article 54 de la CAAS, lu à la lumière de l’article 50 de la Charte, doit être interprété en ce sens qu’une décision du ministère public mettant fin aux poursuites pénales et clôturant, de manière définitive sous réserve de sa réouverture ou de son annulation, la procédure d’instruction menée contre une personne, sans que des sanctions aient été imposées, peut être qualifiée de décision définitive, au sens de ces articles, lorsque ladite procédure a été clôturée sans qu’une instruction approfondie ait été menée. La Cour relève que si le principe ne bis in idem vise à éviter, dans l’espace de liberté, de sécurité et de justice, qu’une personne définitivement jugée ne soit, par le fait d’exercer son droit de libre circulation, poursuivie pour les mêmes faits sur le territoire de plusieurs Etats de l’espace Schengen, il n’a pas pour but de protéger un suspect contre l’éventualité de devoir se prêter à des recherches successives, pour les mêmes faits, dans plusieurs Etats contractants. Appliquer ce principe à une décision de clôture adoptée par les autorités judiciaires d’un Etat en l’absence de toute appréciation approfondie du comportement illicite reproché au prévenu irait manifestement à l’encontre de la finalité de l’espace de liberté, de sécurité et de justice, qui est de lutter contre la criminalité, et risquerait de mettre en cause la confiance mutuelle des Etats membres entre eux. Partant, la Cour conclut qu’une décision du ministère public mettant fin aux poursuites pénales et clôturant, de manière définitive sous réserve de sa réouverture ou de son annulation, la procédure d’instruction menée contre une personne, sans que des sanctions aient été imposées, ne peut pas être qualifiée de décision définitive aux fins de l’application du principe ne bis in idem, lorsqu’il ressort de la motivation de cette décision que la procédure a été clôturée sans qu’une instruction approfondie n’ait été menée. A cet égard, le défaut d’audition de la victime et d’un éventuel témoin constitue un indice de l’absence d’une instruction approfondie. (SB)