Saisie d’une requête dirigée contre les Pays-Bas, la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 26 avril dernier, l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif à l’interdiction des traitements inhumains et dégradants (Murray c. Pays-Bas, n°10511/10). Le requérant, ressortissant néerlandais, a été condamné en 1979 à une peine d’emprisonnement perpétuelle pour meurtre. Le requérant étant décédé pendant la procédure, son fils et sa sœur ont souhaité poursuivre l’instance devant la Cour. Le requérant alléguait n’avoir jamais bénéficié de soins adaptés, en dépit des recommandations du psychiatre et, qu’en conséquence, le risque de récidive demeurant élevé, il n’avait aucun espoir de libération. La Cour a rendu un arrêt de chambre, le 10 décembre 2013, dans lequel elle a estimé, d’une part, que l’introduction en droit interne d’un mécanisme de réexamen périodique des peines perpétuelles répondait aux exigences de la Cour et, d’autre part, que les conditions de détention du requérant n’étaient pas contraires à l’article 3 de la Convention. Dans son arrêt de Grande Chambre, la Cour rappelle, tout d’abord, qu’une peine perpétuelle à l’encontre d’un adulte n’est pas nécessairement contraire à la Convention, tant qu’elle offre une perspective d’élargissement et une possibilité de réexamen. A cet égard, un réexamen périodique de la peine doit se baser sur des critères objectifs définis à l’avance et être entouré de garanties procédurales adéquates. La Cour estime, ensuite, que les autorités ont une obligation de moyens d’offrir au détenu la possibilité de s’amender afin d’envisager une libération et de permettre de répondre à l’objectif de réinsertion de la détention, même lorsqu’elle est perpétuelle. Concernant les soins aux détenus souffrant de troubles mentaux, la Cour rappelle qu’il faut tenir compte de la vulnérabilité des individus concernés et qu’une thérapie doit être mise en œuvre. Enfin, la Cour observe qu’elle ne s’est jamais prononcée sur la question spécifique de la compressibilité des peines perpétuelles infligées aux personnes présentant des troubles mentaux. A ce titre, la Cour estime que l’Etat doit apprécier les besoins thérapeutiques de l’intéressé pour faciliter sa réinsertion et réduire le risque de récidive, en particulier lorsque l’administration d’un traitement est une condition préalable à toute possibilité de prétendre, pour le détenu, à une remise en liberté. La Cour cherche donc à savoir si l’absence de traitement psychiatrique a privé le requérant de toute perspective de libération et estime, à cet égard, qu’il n’a bénéficié, tout au plus, que d’une assistance psychiatrique élémentaire dans le premier établissement pénitentiaire. Toutes ses demandes de grâce ont été rejetées en raison d’un risque de récidive trop élevé, qui découlait, selon les décisions de la Cour commune de justice, de l’absence d’un traitement psychiatrique approprié. La Cour relève, enfin, que si la nécessité d’un traitement avait été établie, aucune évaluation complémentaire ne fut menée et qu’il ne peut être reproché au requérant de ne pas en avoir fait la demande, les personnes atteintes de troubles mentaux pouvant avoir des difficultés à évaluer leur propre situation. Aucun recours n’était donc apte, en pratique, à mener à la conclusion qu’il avait fait des progrès suffisants pour justifier une libération ce qui rendait sa peine incompressible. Partant, la Cour conclut à une violation de l’article 3 de la Convention. (CG)