Saisie d’un renvoi préjudiciel par les Varas Cíveis de Lisboa (Portugal), la Cour de justice de l’Union européenne a, notamment, interprété l’article 1 §1 de la directive 2001/23/CE concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprises, d’établissements ou de parties d’entreprises ou d’établissements, ainsi que l’article 267, alinéa 3, TFUE relatif au renvoi préjudiciel (Ferreira da Silva e Brito e.a., aff. C-160/14). Dans l’affaire au principal, des travailleurs ont été licenciés à la suite de la dissolution d’une entreprise de transport aérien par son actionnaire majoritaire, une société exerçant dans le même secteur. Cette dernière a repris une partie des activités de sa filiale dissoute en récupérant certains équipements et en réintégrant certains travailleurs à des fonctions identiques. Les travailleurs licenciés ont demandé à être réintégrés et indemnisés mais se sont vus opposer un refus. La Cour suprême portugaise ayant refusé de saisir la Cour d’une question préjudicielle sur l’interprétation de la notion de « transfert d’établissement » au sens de la directive, ceux-ci ont demandé l’engagement de la responsabilité civile extracontractuelle du Portugal. Saisie dans ce contexte, la juridiction de renvoi a, notamment, interrogé la Cour sur le point de savoir si la notion de « transfert d’établissement » recouvre une situation telle que celle en cause en principale et si, du fait des divergences d’interprétation de cette notion par les juridictions inférieures, la juridiction suprême était tenue de saisir la Cour d’un renvoi préjudiciel en interprétation. S’agissant de la première question, la Cour rappelle qu’il est nécessaire de prendre en compte, afin de savoir s’il y a transfert d’établissement, l’ensemble des circonstances de fait qui caractérisent l’opération concernée. Elle considère qu’en matière de transport aérien, le transfert de matériel est un élément essentiel pour apprécier l’existence d’un transfert d’établissement. Elle relève que la société s’est substituée à sa filiale dissoute dans les contrats de location d’avions et a effectivement utilisé ces derniers, ce qui témoigne de la reprise d’éléments indispensables à la poursuite de l’activité précédemment exercée par la filiale. De plus, elle relève que des équipements ont été repris et que des travailleurs ont été réintégrés à des fonctions identiques. En outre, la Cour précise que le lien fonctionnel d’interdépendance et de complémentarité entre les divers facteurs transférés constitue l’élément pertinent pour conclure à la préservation de l’identité de l’entité transférée, indépendamment du fait que ces facteurs soient intégrés dans une nouvelle structure organisationnelle. Dès lors, la Cour estime que la notion de « transfert d’établissement » recouvre une situation telle que celle en cause au principal. S’agissant de la deuxième question, la Cour constate que l’interprétation de la notion en cause a soulevé des interrogations de la part de nombreuses juridictions nationales, ce qui témoigne de l’existence de difficultés d’interprétation et de la présence d’un risque de divergences de jurisprudence dans l’Union. Elle conclut qu’une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles de recours juridictionnel de droit interne est tenue de saisir la Cour d’une question préjudicielle relative à l’interprétation de la notion de « transfert d’établissement » dans la circonstance où il existe de nombreuses décisions de juridictions inférieures divergentes, quant à cette interprétation, et des difficultés récurrentes d’interprétation dans les Etats membres. (MS)