Saisie de 2 requêtes dirigées contre l’Espagne, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 13 mars dernier, l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit à la liberté d’expression (Stern Taulats et Roura Capellera c. Espagne, requête n°51168/15 et 51186/15). Les requérants, ressortissants espagnols, ont été condamnés pour le délit d’injure à la Couronne, pour avoir, à la suite d’une manifestation antimonarchique et indépendantiste, mis le feu à une photographie du couple royal espagnol alors en visite dans leur commune. Devant la Cour, les requérants alléguaient que leur condamnation portait atteinte à leur droit à la liberté d’expression. La Cour rappelle, tout d’abord, que la liberté d’expression doit être garantie pour les idées qui heurtent, choquent ou inquiètent. Elle souligne, cependant, que la liberté d’expression dans le domaine de la critique politique n’est pas pour autant illimitée, la tolérance et le respect de l’égale dignité de tous les êtres humains devant être garantis. La Cour considère, ensuite, que l’acte reproché aux requérants s’inscrit dans le cadre de la critique politique, et non personnelle, de l’institution de la monarchie en général et que cet acte ne peut être considéré comme une incitation à la haine ou à la violence. Elle observe, en outre, que la protection de l’article 10 de la Convention est limitée, voire exclue, s’agissant des discours de haine. Toutefois, selon la Cour, les autorités nationales, en considérant que l’acte des requérants s’inscrivait dans le cadre d’un discours de haine, ont fait une interprétation trop large de l’exception admise par la jurisprudence de la Cour. Elle relève, enfin, que la peine d’emprisonnement imposée pour une infraction commise dans le cadre d’un débat politique constitue une ingérence dans la liberté d’expression qui n’est ni proportionnée au but légitime poursuivi ni nécessaire dans une société démocratique. Partant, la Cour conclut à la violation de l’article 10 de la Convention. (MG)