Saisie d’un recours en annulation par la Slovaquie et la Hongrie à l’encontre de la décision 2015/1601/UE instituant des mesures provisoires en matière de protection internationale au profit de l’Italie et de la Grèce, la Grande Chambre de la Cour de justice de l’Union européenne a, notamment, interprété, le 6 septembre dernier, l’article 78 §3 TFUE relatif aux mesures pouvant être adoptées par les Etats membres en cas de situation d’urgence caractérisée par un afflux soudain de ressortissant de pays tiers (Slovaquie c. Conseil et Hongrie c. Conseil, aff. jointes C-643/15 et C-647/15). Dans l’affaire en cause, les requérants contestaient la décision temporaire du Conseil de l’Union européenne prévoyant la relocalisation depuis l’Italie et la Grèce de 120 000 demandeurs de protection internationale vers les autres Etats membres. Saisie dans ce contexte, la Cour considère, tout d’abord, que tout acte adopté en vertu de l’article 78 §3 TFUE doit être qualifié d’acte non législatif. Elle juge, à cet égard, que l’article 78 §3 TFUE permet l’adoption de mesures provisoires à caractère non législatif pouvant déroger à des dispositions législatives à la condition tant que leur champ d’application matériel et temporel soit encadré. En l’occurrence, la Cour constate que les dérogations prévues par la décision obéissent à cette exigence. Ensuite, la Cour estime qu’un délai de 24 mois, prolongeable de maximum 12 mois est raisonnable et justifié. En outre, la Cour se livre à une évaluation des conditions d’application de l’article 78 §3 TFUE et constate que l’afflux de réfugiés peut être qualifié de soudain par son ampleur et son imprévisibilité et que la situation d’urgence était la cause directe de cet afflux. Enfin, alors que les requérants faisaient valoir que la décision violait le principe de proportionnalité en ce qu’elle n’était ni apte ni nécessaire à atteindre l’objectif qu’elle poursuit, la Cour considère que l’objectif de la décision est d’aider l’Italie et la Grèce à affronter une situation d’urgence en fournissant des solutions structurelles et rappelle que la décision adoptée est provisoire et ne concerne qu’un nombre limité de migrants. Au regard de la situation d’urgence et du contexte particulier, la Cour relève que le Conseil a estimé à bon droit que la mesure devait revêtir un caractère contraignant. En outre, concernant l’argument de la Hongrie en vertu duquel elle n’aurait pas dû la faire figurer parmi les Etats membres de relocalisation, dans la mesure où elle était également soumise à une pression migratoire particulièrement forte, la Cour rappelle que la Hongrie a exprimé, pendant le processus de négociation, son désir de ne pas figurer sur la liste des Etats membres en situation d’urgence au même titre que l’Italie et la Grèce. Face à ce refus, le Conseil ne peut être mis en cause pour avoir déduit de ce refus que la Hongrie devait se voir attribuer des contingents de relocalisation. La Cour juge, par conséquent, la décision proportionnée et partant, rejette les recours. (EH)