Saisie d’un renvoi préjudiciel par le Juzgado de lo mercantil n°8 de Barcelona (Espagne), la Cour de justice de l’Union européenne a interprété, le 20 décembre 2017, l’article 7 §1 de la directive 2008/95/CE rapprochant les législations des Etats membres sur les marques (Schweppes, aff. C-291/16). Dans l’affaire au principal, Cadbury Schweppes, requérante et détenteur des marques Schweppes, a cédé, en 1999, à Coca-Cola une partie ses marques parallèles dont celles enregistrées au Royaume-Uni. En 2014, la requérante a intenté une action en contrefaçon contre Red paralela au motif que cette dernière avait importé et distribué en Espagne des bouteilles d’eau tonique portant la marque Schweppes en provenance du Royaume-Uni. La défenderesse arguait de l’épuisement du droit de marque qui résulterait d’un consentement tacite pour les produits Schweppes en provenance d’Etats membres où Coca-Cola est titulaire des marques parallèles. Saisie dans ce contexte, la juridiction de renvoi a interrogé la Cour sur le point de savoir si l’article 7 §1 de la directive, lu à la lumière de l’article 36 TFUE, doit être interprété en ce sens qu’il fait obstacle à ce que le titulaire d’une marque nationale s’oppose à l’importation de produits identiques revêtus de la même marque provenant d’un autre Etat membre où cette marque est détenue par un tiers lorsqu’un certain nombre d’éléments sont réunis, tels que le fait que l’image de marque unique et globale donnée par le détenteur de la marque est susceptible de créer une confusion quant à l’origine commerciale des produits revêtus de cette marque. Selon la Cour, dès lors que, après la cession d’une partie des marques parallèles, le titulaire d’une marque continue à favoriser de manière active et délibérée l’apparence ou l’image d’une marque unique et globale, ce comportement a pour effet que la marque ne remplit plus sa fonction essentielle, à savoir, garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine du produit marqué. Ainsi, le titulaire de la marque a porté atteinte voire dénaturé la fonction de la marque et, dans une telle situation, celui-ci ne saurait se prévaloir de la nécessité de sauvegarder ladite fonction pour s’opposer à l’importation de produits identiques revêtus de la même marque provenant d’un Etat membre où celle-ci est détenue par un tiers. La Cour estime qu’il revient aux juridictions nationales d’apprécier si cela a été le cas en l’espèce, auquel cas la Cour rappelle que la fonction essentielle de la marque n’est pas mise en cause par la liberté des importations lorsque les titulaires de la marque dans les Etats d’importation, d’une part, et d’exportation, d’autre part, sont identiques ou sont liés économiquement. Selon elle, la notion de « lien économique » renvoie à un critère substantiel et vise à éviter un cloisonnement des marchés nationaux qui ne serait pas justifié par l’objet du droit de marque. Il revient, selon la Cour, à la juridiction de renvoi d’apprécier l’existence de tels liens et d’aménager la charge de la preuve dans l’hypothèse où les marques parallèles nationales seraient l’objet d’un fractionnement volontaire. (JJ)