Saisie de 2 renvois préjudiciels par le Hanseatisches Oberlandesgericht in Bremen (Allemagne), la Cour de justice de l’Union européenne a interprété, le 5 avril dernier, les articles 1er §§ 3 et 5 et 6 §1 de la décision-cadre 2002/584/JAI relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre Etats membres (Aranyosi e.a., aff. jointes C-404/15 et C-659/15 PPU). Dans les affaires au principal, un ressortissant hongrois et un ressortissant roumain ont fait l’objet de mandats d’arrêt européens par la Hongrie et la Roumanie, lesquels devaient être exécutés par l’Allemagne. Saisie dans le cadre de l’examen des demandes de remise, la juridiction de renvoi a relevé des indices concrets selon lesquels les conditions de détention auxquelles seraient soumis les intéressés en cas de remise aux autorités hongroises et roumaines ne satisfaisaient pas aux standards minimum prévus par le droit international. Elle prenait, notamment, en compte le fait que ces 2 Etats ont été condamnés par la Cour européenne des droits de l’homme pour violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif à l’interdiction des traitements inhumains ou dégradants en raison de la surpopulation carcérale dans leurs prisons. Elle a interrogé la Cour sur les questions de savoir, notamment, si l’article 1er §3 de la décision-cadre doit être interprété en ce sens que, en présence d’éléments sérieux témoignant d’une incompatibilité des conditions de détention dans l’Etat membre d’émission avec les droits fondamentaux, en particulier avec l’article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’autorité judiciaire d’exécution peut ou doit refuser l’exécution du mandat d’arrêt européen émis à l’encontre d’une personne ou si elle peut ou doit subordonner la remise de cette personne à l’obtention de l’Etat membre d’émission d’informations lui permettant de s’assurer de la conformité de ces conditions de détention aux droits fondamentaux. La Cour rappelle, tout d’abord, que le système du mandat d’arrêt européen repose sur les principes de confiance et de reconnaissance mutuelles entre les Etats membres et souligne qu’un Etat membre ne peut refuser d’exécuter un tel mandat que dans les cas exhaustivement énumérés par la décision-cadre. Toutefois, la Cour rappelle que sa jurisprudence admet des limites à l’application de ces principes de reconnaissance et de confiance mutuelles dans des circonstances exceptionnelles et souligne que l’article 1er §3 de la décision-cadre ne peut avoir pour effet de modifier l’obligation de respecter les droits fondamentaux. A cet égard, elle réaffirme que l’interdiction des traitements inhumains ou dégradants garantie par l’article 4 de la Charte et par l’article 3 de la Convention revêt un caractère absolu. Elle en conclut que si l’autorité judiciaire de l’Etat membre d’exécution dispose d’éléments objectifs, fiables, précis et dûment actualisés attestant d’un risque réel de traitements inhumains ou dégradants des personnes détenues dans l’Etat membre d’émission, elle doit apprécier s’il existe des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée courre un tel risque et demander à l’autorité judiciaire de l’Etat membre d’émission la fourniture de toute information complémentaire nécessaire. La Cour affirme que, si au regard de ces informations, un risque réel de traitements inhumains ou dégradants existe, l’exécution du mandat doit être reportée, sans être abandonnée. Dans ce cas, l’Etat membre d’exécution doit en informer l’Agence Eurojust et l’autorité judiciaire doit contrôler que la durée de l’éventuelle détention ne soit pas excessive. (JL)