La révocation d’une magistrate pour avoir dévoilé en résumé à un journaliste les motifs de son opinion dissidente est, en l’absence d’autres sanctions applicables à la date des faits, contraire à la Convention (18 juillet)
Arrêt Manole c. République de Moldova, requête n°26360/19
La Cour EDH analyse, sur le fondement de l’article 10 de la Convention relatif à la liberté d’expression, les griefs de la requérante, qui contestait sa révocation de sa fonction de juge pour avoir communiqué à la presse un résumé de son opinion dissidente avant la publication intégrale du jugement. Dans un 1er temps, si la Cour EDH reconnaît une ingérence dans l’exercice du droit à la liberté d’expression, elle constate néanmoins que celle-ci est prévue par la loi et poursuit un but légitime, à savoir la garantie de l’autorité et de l’impartialité du pouvoir judiciaire. Dans un 2nd temps, elle observe que la requérante n’a pas respecté les devoirs de discrétion et de réserve qui s’imposent aux juges. Néanmoins, la Cour EDH considère que la sanction adoptée est si lourde qu’elle met fin définitivement à la carrière de la requérante, alors qu’aucune autre mesure n’avait été prise précédemment à son encontre. Elle rappelle qu’en vertu des textes internationaux, l’examen de la proportionnalité d’une sanction doit aussi porter sur la gravité de celle-ci parmi une échelle de sanctions disponibles, ce qui n’a pas été effectué en l’espèce. Enfin, elle constate que la loi nationale avait été modifiée au moment de l’examen de l’affaire, de sorte que les interdictions imposées aux juges de communiquer des informations n’y étaient plus sanctionnées et qu’en tout état de cause, la sanction n’apparait pas nécessaire dans une société démocratique. Partant, la Cour EDH conclut à la violation de l’article 10 de la Convention. (ADA)