Saisie d’un renvoi préjudiciel par le Tribunal Superior de Justicia de Cataluña (Espagne), la Cour de justice de l’Union européenne a interprété, le 22 février dernier, l’article 10, points 1 et 2, de la directive 92/85/CE concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail ainsi que l’article 1er §1, sous a), de la directive 98/59/CE concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives aux licenciements collectifs (Porras Guisado, aff. C-103/16). Dans l’affaire au principal, une entreprise a notifié à une employée enceinte son licenciement, en se fondant sur une évaluation de son travail et sur la zone géographique dans laquelle elle exerçait. Saisie dans ce contexte, la juridiction de renvoi a interrogé la Cour sur les points de savoir, tout d’abord, si l’article 10, point 1 de la directive 92/85/CE s’oppose au licenciement d’une travailleuse enceinte si celui-ci est fondé sur des motifs non liés à l’état de grossesse, ensuite, si l’article 10, point 2, de la directive 92/85/CE s’oppose à une règlementation nationale permettant à l’employeur de licencier une travailleuse enceinte dans le cadre d’un licenciement collectif sans lui fournir d’autres motifs que ceux qui justifient ce licenciement collectif et sans l’aviser de circonstances exceptionnelles, en outre, si l’article 10, point 1, de la directive 92/85/CE s’oppose à une réglementation nationale qui n’interdit pas, en principe, le licenciement d’une travailleuse enceinte et qui prévoit uniquement la nullité de ce licenciement lorsque celui-ci est illégal à titre de réparation, et, enfin, si ce même article s’oppose à une réglementation nationale qui, au sens de la directive 98/59/CE, ne prévoit pas une priorité de maintien des postes ou de reclassement préalable au licenciement collectif pour les travailleuses enceintes. S’agissant de la 1ère question, la Cour constate que les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour interdire le licenciement des travailleuses du début de leur grossesse à la fin de leur congé de maternité, sauf dans les cas d’exception non liés à leur état. Dès lors, elle considère qu’une décision de licenciement pendant cette période n’est pas contraire à l’article 10 de la directive 92/85/CE. S’agissant de la 2ème question, la Cour estime que le licenciement d’une travailleuse enceinte ne s’oppose pas à l’article 10, point 2, de la directive 92/85/CE, pour autant que l’employeur indique des critères objectifs qui ont été retenus pour désigner les travailleurs à licencier. S’agissant de la 3ème question, la Cour rappelle que la directive 92/85/CE opère une distinction entre la protection contre le licenciement lui-même et la protection contre les conséquences du licenciement. Les Etats doivent, dès lors, établir cette double protection, et ce d’autant plus à l’égard des travailleuses enceintes au regard des risques que le licenciement fait peser sur leur situation physique et psychique. Par conséquent, les Etats membres ne peuvent se limiter à prévoir uniquement, à titre de réparation, la nullité de ce licenciement lorsque celui-ci n’est pas justifié. S’agissant de la 4ème question, la Cour précise que l’article 10, point 1, de la directive 92/85/CE n’impose pas aux Etats membres de prévoir une priorité de maintien des postes ainsi qu’une priorité de reclassement préalable au licenciement collectif pour les travailleuses enceintes, mais que la directive n’exclut nullement, par ailleurs, de garantir une protection plus élevée à leur égard. (MG)