Saisie d’un renvoi préjudiciel par le Conseil d’Etat (France), la Cour de justice de l’Union européenne a interprété, le 18 janvier dernier, les articles 63 et 65 TFUE relatifs à la libre circulation des capitaux, ainsi que l’article 11 du règlement 883/2004/CE portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, lequel est relatif au principe d’unicité de la législation applicable en matière de sécurité sociale (Jahin, aff. C-45/17). Dans l’affaire au principal, un ressortissant français, qui réside et travaille en Chine où il est affilié à un régime privé de sécurité sociale, a été soumis, en France, à des prélèvements de contributions sociales perçus sur des revenus fonciers et des plus-values réalisées à la suite de la vente d’un immeuble. Il a demandé le remboursement de ces prélèvements sur le fondement d’un arrêt de la Cour (de Ruyter, aff. C-623/13). En effet, cette dernière ayant considéré que les contributions en cause entraient dans le champ d’application du règlement et du principe de son article 11, le juge français a considéré que toute personne physique affiliée à un régime de sécurité sociale dans un autre Etat membre est fondée à demander la décharge des prélèvements auxquels ont été assujettis, en France, les revenus de son patrimoine. L’autorité fiscale a opposé un refus, estimant que le droit au remboursement était réservé aux seuls ressortissants d’un Etat membre de l’Union européenne, de l’Espace économique européen (« EEE ») et de la Suisse. Saisie dans ce contexte, la juridiction de renvoi a interrogé la Cour sur le point de savoir si le droit de l’Union s’oppose à une réglementation d’un Etat membre, telle que celle en cause au principal, qui soumet un ressortissant de ce dernier, qui réside dans un Etat tiers, autre qu’un Etat de l’EEE ou la Suisse, et qui y est affilié à un régime de sécurité sociale, à des prélèvements sur les revenus du capital au titre de cotisations sociales instaurées par celui-ci, alors qu’un ressortissant de l’Union relevant d’un régime de sécurité sociale d’un autre Etat membre en est exonéré en raison du principe prévu à l’article 11 du règlement. La Cour rappelle que la libre circulation des capitaux interdit les restrictions aux mouvements de capitaux entre un Etat membre et un Etat tiers. Elle estime que les prélèvements en cause relèvent de la notion de « mouvements de capitaux » au sens du traité. A cet égard, la Cour considère que la différence de traitement entre les ressortissants de l’Union, affiliés à un régime d’un Etat membre de l’Union, de l’EEE ou de la Suisse, qui bénéficient d’un traitement fiscal plus favorable, et les ressortissants d’un Etat membre, résidant dans un Etat tiers où il sont affiliés, constitue une restriction à la libre circulation des capitaux. La Cour recherche si une telle restriction peut être justifiée. Elle relève que le traité prévoit une dérogation permettant aux Etats membres de distinguer les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en matière de résidence. A ce titre, elle estime qu’il existe une différence objective entre, d’une part, la situation d’un ressortissant de l’Etat membre concerné qui réside dans un Etat tiers autre qu’un Etat de l’EEE ou la Suisse et y est affilié à un régime de sécurité sociale et, d’autre part, la situation d’un ressortissant de l’Union affilié à un régime d’un autre Etat membre, dans la mesure où seul ce dernier peut bénéficier du principe prévu à l’article 11 du règlement, en raison de son déplacement à l’intérieur de l’Union. Partant, la Cour conclut que le droit de l’Union ne s’oppose pas à une réglementation telle que celle en cause au principal. (MS)