Saisie d’une requête dirigée contre l’Estonie, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 10 octobre dernier, l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif à la liberté d’expression (Delfi S.A. c. Estonie, requête n°64569/09 – disponible uniquement en anglais). La requérante est une société estonienne propriétaire d’un important site Internet d’informations. Après avoir publié sur ce dernier un article concernant une société de ferries, des commentaires menaçants et injurieux de lecteurs ont été publiés sur le site à l’égard de la compagnie et de son propriétaire. Ce dernier a engagé des poursuites contre la société Delfi, qui a vu sa responsabilité engagée en raison de ces messages. La société requérante soutenait, notamment, devant la Cour, que la mise en cause de sa responsabilité portait atteinte à sa liberté d’expression. La Cour considère, tout d’abord, que l’ingérence dans la liberté d’expression de la requérante était régulière et prévue par la législation estonienne. Elle examine, ensuite, le caractère proportionnel de cette ingérence. A cet égard, elle relève que les dispositifs de filtrage, de notification et de retrait n’ont pas permis de supprimer en temps utile les messages injurieux sur le portail Internet. Elle note, par ailleurs, que les autorités estoniennes, en poursuivant la société Delfi au lieu des auteurs des messages litigieux, ont agi de manière réaliste et raisonnable, dans la mesure où de nombreux commentaires étaient anonymes et que les sanctions prononcées contre la société étaient relativement faibles par rapport au profit commercial retiré de la publication des messages. Partant, la Cour affirme que la mise en cause de la société constitue une ingérence proportionnée et conclut à l’absence de violation de l’article 10 de la Convention. (JL)