Saisie d’un renvoi préjudiciel par l’Oberster Gerichtshof (Autriche), la Cour de justice de l’Union européenne a interprété, le 23 décembre 2015, la directive 2006/123/CE relative aux services dans le marché intérieur (Hiebler, aff. C‑293/14). Dans le litige au principal, un ramoneur exerce sa profession en vertu d’une autorisation professionnelle valable pour un secteur particulier de sa région. Il était, également, autorisé à prester ses services dans un autre secteur qui ne comprenait que 2 ramoneurs. Une modification des dispositions réglementaires a entraîné la fusion de ce dernier secteur avec un troisième ayant pour conséquence la création d’un nouveau secteur. Or, bien que, à la suite de cette fusion, 4 ramoneurs exerçaient leur activité dans ce nouveau secteur, le requérant au principal a continué à démarcher des clients y résidant et à exercer son activité, entraînant sa condamnation pour pratique commerciale déloyale. Le requérant au principal alléguait que la réglementation imposait une limitation territoriale incompatible avec la directive. Les juridictions saisies ont estimé que celle-ci était compatible avec la directive dans la mesure où elle était non discriminatoire, nécessaire et proportionnée et que les missions de service public confiées aux ramoneurs dans le domaine de la « police du feu » justifiaient cette limitation. Saisie dans ce contexte, la Cour estime, d’une part, que quelle que soit la qualification qui leur est donnée par la juridiction de renvoi, les missions relevant de la « police du feu » exercées par les ramoneurs entrent dans le champ d’application de la directive. Concernant, d’autre part, la limitation de l’autorisation d’exercice de la profession de ramoneur à un secteur géographique déterminé, elle constate que celle-ci constitue une restriction à la liberté d’établissement des prestataires de services. La Cour relève, en outre, que la réglementation nationale retient comme seul critère de délimitation sectorielle celui relatif au nombre minimal de ramoneurs dont il faut garantir la viabilité économique de l’activité à l’intérieur de chaque secteur pour assurer l’exercice satisfaisant des missions relevant de la « police du feu », sans tenir aucunement compte des activités économiques privées, qui constituent, d’ailleurs, la part la plus substantielle de l’exercice de la profession de ramoneur. La Cour estime, dès lors, que la directive s’oppose à une réglementation qui limite l’autorisation d’exercice de la profession de ramoneur, dans son ensemble, à un secteur géographique déterminé, dès lors que cette réglementation ne poursuit pas de manière cohérente et systématique la réalisation de l’objectif de protection de la santé publique, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier. En revanche, elle ne s’oppose pas à une telle réglementation dans l’hypothèse où les missions relevant de la « police du feu » devraient être qualifiées de missions liées à un service d’intérêt économique général, pour autant que la limitation territoriale prévue est nécessaire et proportionnée à l’exercice de ces missions dans des conditions économiquement viables, ce qui incombe à la juridiction de renvoi de vérifier. (MF)