Saisie d’une requête contre l’Espagne, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 10 juillet dernier, les articles 7 et 5 §1 de la Convention européenne des droits de l’homme relatifs, respectivement, au principe de légalité des délits et des peines et au droit à la liberté et à la sécurité (Del Rio Prada c. Espagne, requête n°42750/09). La requérante, ressortissante espagnole, a été condamnée à différentes peines pour plusieurs délits liés à des attentats terroristes. Le total des peines privatives de liberté prononcées à son encontre s’élevant à plus de 3000 ans, la juridiction nationale compétente avait fixé à 30 ans la durée totale de l’accomplissement de celles-ci, conformément aux dispositions du code pénal espagnol. La date de mise en liberté de la requérante, après remises de peines, était fixée au 2 juillet 2008. Cependant, à la suite d’un revirement jurisprudentiel selon lequel les remises de peines devaient être appliquées individuellement sur chacune des peines prononcées et non sur la durée maximale de détention fixée à 30 ans, la date de remise en liberté de la requérante a été repoussée au 27 juin 2017. La requérante dénonçait, devant la Cour, l’application rétroactive de ce revirement de jurisprudence. La Cour examine si une telle mesure, relative à l’exécution d’une peine, peut constituer une peine au sens de l’article 7 de la Convention. Elle constate, en premier lieu, le caractère imprévisible du revirement jurisprudentiel remettant en cause la date de remise en liberté de la requérante. Elle souligne, en second lieu, que le principe de légalité des délits et des peines interdit que le droit pénal soit interprété extensivement au détriment de l’accusé. Constatant que le revirement de jurisprudence a rétroactivement allongé la peine de la requérante de presque 9 ans, la Cour considère que cette mesure ne concernait pas seulement l’exécution de la peine mais a eu un impact décisif sur la portée de la peine au sens de l’article 7 de la Convention. En conséquence, la détention de la requérante, après le 2 juillet 2008, ne peut être considérée comme régulière. Partant, la Cour conclut à la violation des articles 7 et 5 §1 de la Convention. (AG)