Saisie d’une requête dirigée contre la Suisse, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 10 mai dernier, l’article 5 §4 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit de faire statuer à bref délai sur la légalité de sa détention (Derungs c. Suisse, requête n°52089/09). Le requérant, de nationalité suisse, a été interné pour des raisons psychiatriques. Il alléguait, tout d’abord, que la période écoulée entre sa demande visant à obtenir qu’il soit mis fin à son internement et la décision rendue par la juridiction compétente était excessive et ne satisfaisait pas à l’exigence du « bref délai ». Il se plaignait, ensuite, du refus de ladite juridiction de tenir une audience, en dépit de sa demande. Concernant la première violation alléguée, la Cour rappelle que les exceptions à l’exigence de contrôle « à bref délai » de la légalité de la détention appellent une interprétation stricte. Elle note qu’en principe, puisque la liberté de l’individu est en jeu, l’Etat doit faire en sorte que la procédure se déroule dans un minimum de temps. Elle relève, qu’en l’espèce, un délai de presque 11 mois s’est écoulé entre la demande de libération du requérant et la première décision judiciaire et qu’une telle durée, de prime abord, paraît difficilement compatible avec l’exigence de « bref délai ». Concernant l’existence de motifs exceptionnels propres à justifier un retard pour statuer sur la demande de libération, la Cour constate que la partie la plus importante du retard à statuer a été causée par l’exigence d’épuiser une voie de recours hiérarchique ne présentant pas, en soi, les garanties propres à celles d’un tribunal. A cet égard, elle considère que la complexité de la procédure interne ne saurait servir de motif apte à justifier un tel retard. Concernant la deuxième violation alléguée, la Cour rappelle qu’une personne internée dans un établissement psychiatrique pour une durée illimitée ou prolongée a, en principe, le droit d’introduire à des intervalles raisonnables un recours devant un tribunal pour contester la légalité de son internement. Elle relève, cependant, que la tenue d’une audience n’est pas indispensable dans toutes les circonstances, notamment si aucune clarification additionnelle n’est censée en résulter. Selon la Cour, en l’espèce, le requérant n’a pas invoqué d’éléments pertinents survenus après la dernière audience ni aucun aspect relatif à sa personnalité qui aurait rendu une nouvelle audience nécessaire. En outre, le droit du requérant à être entendu a été respecté, celui-ci ayant eu accès à tous les éléments de la procédure et ayant pu s’exprimer, avec l’aide de son avocat, lors des différentes étapes de la procédure. Par conséquent, la Cour conclut à la violation de l’article 5 §4 de la Convention en ce qui concerne l’exigence du bref délai mais non pas en ce qui concerne le refus de la juridiction de tenir une audience. (AB)