Saisie d’une requête contre la République tchèque, la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 19 septembre dernier, l’article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit à un procès équitable (Regner c. République tchèque, requête n°35289/11). Le requérant, ressortissant tchèque, s’est vu opposer une décision des autorités nationales mettant fin à la validité d’une attestation de sécurité qui lui avait été délivrée, laquelle lui permettait d’occuper une fonction élevée auprès du ministère de la défense, au motif qu’il présentait un risque pour la sécurité nationale. La loi nationale permettant la non-divulgation d’informations confidentielles, la décision ne mentionnait pas les informations sur lesquelles elle se basait. Le requérant a contesté le retrait de son attestation de sécurité mais n’a pu prendre connaissance des informations sur la base desquelles celle-ci lui avait été retirée. Devant la Cour, il se plaignait du fait de ne pas avoir pu prendre connaissance d’un élément de preuve déterminant, qualifié d’information confidentielle, au cours de la procédure qu’il avait intentée pour contester le retrait de son attestation de sécurité, et arguait que cela emportait violation de son droit à un procès équitable. Dans un 1er arrêt, la Cour a conclu à la non-violation de l’article 6 §1 de la Convention. La Cour relève, tout d’abord, que les juridictions nationales jouissaient de l’indépendance et de l’impartialité nécessaires, qu’elles avaient accès à tous les documents classifiés sans restriction et qu’elles pouvaient apprécier la justification de la non-communication des pièces classifiées et ordonner la communication de celles qui ne méritaient pas une classification. La Cour observe, ensuite, que la compétence des juridictions saisies du litige couvrait l’ensemble des faits de l’espèce et ne se limitait pas à l’examen des moyens invoqués par le requérant, lequel a été entendu par les juges et a pu soumettre des conclusions écrites. Elle précise, en outre, que les juridictions saisies ont dûment exercé les pouvoirs de contrôle dont elles disposaient dans ce type de procédure, à l’égard tant de la nécessité de maintenir la confidentialité des documents classés que de la justification du retrait de l’attestation de sécurité du requérant, motivant leurs décisions au regard des circonstances concrètes du cas d’espèce. Enfin, la Cour observe que le rapport du service de renseignement qui a servi de fondement à la décision défavorable pour le requérant avait été classé dans la catégorie de confidentialité la moins élevée, mais que les autorités nationales ne se trouvaient pas pour autant privées du droit de ne pas en révéler la teneur au requérant. Par conséquent, eu égard à la procédure dans son ensemble, à la nature du litige et à la marge d’appréciation dont disposent les autorités nationales, la Cour considère que les limitations subies par le requérant dans la jouissance des droits qu’il tirait des principes du contradictoire et de l’égalité des armes ont été compensées de telle manière que le juste équilibre entre les parties n’a pas été affecté au point de porter atteinte à la substance même du droit de l’intéressé à un procès équitable. Partant, la Cour conclut à la non-violation de l’article 6 §1 de la Convention. (MT)