Saisie d’un renvoi préjudiciel par le First-tier Tribunal (Royaume-Uni), la Cour de justice de l’Union européenne a interprété, le 1er avril dernier, les articles 49 et 54 TFUE relatifs, respectivement, à la liberté d’établissement et au principe d’égalité de traitement (Felixstowe Dock and Railway Company e.a., aff. C-80/12). Dans l’affaire au principal, des sociétés britanniques ont voulu imputer les pertes d’une société du groupe d’entreprise dont elles font partie sur leurs bénéfices. La réglementation britannique prévoit que les pertes peuvent être transférées entre une société membre d’un groupe et une autre détenue par un consortium, lorsqu’elles sont liées par une troisième société de liaison, qui est à la fois membre du groupe et du consortium. Les autorités fiscales britanniques ont rejeté leur demande au motif que la société de liaison était luxembourgeoise et n’avait ni sa résidence fiscale ni un établissement stable au Royaume-Uni. La juridiction de renvoi a interrogé la Cour sur le point de savoir si les articles 49 et 54 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une législation d’un Etat membre qui admet la possibilité pour une société résidente appartenant à un groupe d’obtenir le transfert de pertes subies par une autre société résidente appartenant à un consortium lorsqu’une société de liaison appartenant à la fois à ce groupe et à ce consortium réside également dans ledit Etat membre, et cela indépendamment de la résidence des sociétés détenant elles-mêmes ou au moyen de sociétés intermédiaires le capital de la société de liaison et des autres sociétés concernées par le transfert de pertes, alors qu’elles exclut une telle possibilité lorsque la société de liaison est établie dans un autre Etat membre. La Cour constate que la condition de résidence prévue pour la société de liaison instaure une différence de traitement entre les sociétés résidentes reliées par une société de liaison britannique, qui bénéficient de l’avantage fiscal en cause, et les sociétés résidentes reliées par une société de liaison établie dans un autre Etat membre, qui n’en bénéficient pas. Cette différence de traitement, qui rend fiscalement moins attrayante la création d’une société de liaison dans un autre Etat membre, constitue une restriction à la liberté d’établissement. La Cour relève, par ailleurs, que cette restriction ne peut être justifiée par des raisons impérieuses d’intérêt général tirées de la lutte contre l’évasion fiscale ou de l’objectif visant à préserver une répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les Etats membres. (MG)