Saisie d’une requête dirigée contre l’Italie, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 27 janvier dernier, l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit au respect de la vie privée et familiale (Paradiso et Campanelli c. Italie, requête n°25358/12). Dans l’affaire au principal, les 2 requérants, mari et femme, ressortissants italiens, ont eu recours à une gestation pour autrui en Russie afin de devenir parents. Conformément au droit russe, les requérants ont été enregistrés comme parents du nouveau-né. A leur retour en Italie, la municipalité a refusé l’enregistrement du certificat de naissance de l’enfant, le consulat d’Italie de Moscou ayant, notamment, informé les autorités italiennes que le dossier relatif à la naissance de l’enfant contenait de fausses données. Les requérants ont été mis en examen pour altération d’état civil, infraction à la loi sur l’adoption et pour avoir emmené l’enfant en Italie au mépris des lois italiennes et internationales. L’enfant a été placé auprès d’une famille d’accueil et les contacts avec les requérants ont été interdits. Invoquant l’article 8 de la Convention, les requérants alléguaient que le refus de transcrire le certificat de naissance de l’enfant dans les registres de l’état civil italien et les décisions d’éloignement du mineur adoptées par les juridictions italiennes portaient atteinte à leur droit au respect de la vie privée et familiale. La Cour rappelle, tout d’abord, que la question de l’existence d’une vie familiale est une question de fait, qui dépend de l’existence de liens personnels étroits. Elle considère que les requérants ont passé avec l’enfant les premières étapes de sa vie et qu’il existe donc une vie familiale de facto. La Cour relève, ensuite, que le refus de la reconnaissance de la filiation établie à l’étranger ayant conduit à l’éloignement et à la prise en charge de l’enfant s’analyse en une ingérence dans les droits garantis par l’article 8 de la Convention. La Cour précise que cette ingérence était prévue par la loi et poursuivait, en particulier, le but légitime de défense de l’ordre public. Cependant, la Cour considère que, dans une telle situation, les mesures prises à l’égard de l’enfant ont été disproportionnées et que la référence à l’ordre public ne peut justifier toute mesure adoptée par les autorités. L’obligation de prendre en compte l’intérêt supérieur de l’enfant incombe à l’Etat indépendamment du lien parental, génétique ou autre entre l’enfant et les requérants. Partant, la Cour conclut à la violation de l’article 8 de la Convention. (AB)