Saisie d’une requête dirigée contre l’Espagne, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 31 mai dernier, l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif à l’interdiction des traitements inhumains et dégradants (Beortegui Martinez c. Espagne, requête n°36286/14). Le requérant, ressortissant espagnol, soupçonné d’appartenir à une organisation faisant partie du groupe terroriste ETA, a fait l’objet d’une garde à vue au secret au cours de laquelle il affirmait avoir subi des mauvais traitements. En outre, il estimait qu’il n’y avait pas eu d’enquête effective de la part des juridictions nationales sur sa plainte par laquelle il alléguait des mauvais traitements. S’agissant des allégations relatives à l’insuffisance des investigations menées par les autorités nationales, la Cour rappelle que, lorsqu’un individu affirme de manière défendable avoir subi, aux mains de la police, des sévices contraires à l’article 3 de la Convention, cette disposition requiert qu’il y ait une enquête officielle effective. En l’espèce, la Cour relève que le requérant a été placé en garde à vue au secret pendant 3 jours durant lesquels il n’a pas pu, notamment, informer de sa détention une personne de son choix ni se faire assister par un avocat librement choisi. Elle ajoute qu’il n’a pas pu s’entretenir en privé avec son avocat commis d’office avant sa déclaration en garde à vue. La Cour considère que la gravité des délits objets de la plainte du requérant méritaient une investigation approfondie de la part de l’Etat. En outre, elle observe que lorsqu’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un acte de torture a été commis, il incombe aux autorités compétentes de l’Etat de procéder d’office et sans retard à une enquête impartiale. Or, la Cour considère que l’enquête menée en l’espèce n’a pas été suffisamment approfondie et effective pour remplir les exigences de l’article 3 de la Convention. Elle souligne, notamment, la situation de spéciale vulnérabilité des personnes détenues au secret, qui commande que soient adoptées des mesures de surveillance juridictionnelle appropriées et que celles-ci soient rigoureusement appliquées, afin que les abus soient évités et que l’intégrité physique des détenus soit protégée. Selon la Cour, il incombe aux juges compétents, en matière de garde à vue au secret, d’adopter une approche plus proactive concernant les pouvoirs de surveillance dont ils disposent. Partant, la Cour conclut à la violation de l’article 3 de la Convention dans son volet procédural. S’agissant des allégations relatives aux mauvais traitements en détention, la Cour relève que les éléments dont elle dispose ne lui permettent pas d’établir que le requérant a été soumis à des traitements ayant atteint le minium de gravité requis pour tomber sous le coup de l’interdiction posée par l’article 3 de la Convention. Partant, elle conclut à la non-violation de l’article 3 de la Convention dans son volet matériel. (AB)