Saisie d’un renvoi préjudiciel par la Cour de cassation (France), la Cour de justice de l’Union européenne a interprété, le 26 février dernier, l’article 1erde la directive 2001/84/CE relative au droit de suite au profit de l’auteur d’une œuvre d’art originale, lequel définit l’objet du droit de suite (Christie’s France SNC, aff. C‑41/14). Dans le litige au principal, une société française, organisatrice de ventes aux enchères d’œuvres d’art, percevait, de la part des acheteurs, un droit de suite, pour le compte et au nom du vendeur, pour certains lots du catalogue et ce, conformément à ses conditions générales de ventes. Le syndicat national des antiquaires a estimé qu’en mettant le droit de suite à la charge de l’acheteur, ces conditions générales de vente constituaient un acte de concurrence déloyale. La juridiction de renvoi a interrogé la Cour sur le point de savoir si l’article 1er de la directive devait être interprété en ce sens qu’il prévoit que le vendeur supporte définitivement, en toute hypothèse, le coût du droit de suite, ou s’il est possible d’y déroger par la voie conventionnelle. La Cour précise, tout d’abord, que seuls les Etats membres déterminent la personne redevable du droit de suite. En effet, si selon les termes de la directive, la personne redevable du droit de suite est, en principe, le vendeur, la Cour relève, néanmoins, la possibilité pour les Etats membres de déroger à ce principe. Ces derniers peuvent désigner une autre personne qui, seule ou avec le vendeur, assumera la responsabilité de personne redevable. La Cour estime, toutefois, que cette dernière peut convenir avec toute autre personne, y compris l’acheteur, qu’elle supporte en définitive le coût du droit de suite, à condition que cela n’affecte pas les obligations et la responsabilité qui incombent à la personne redevable envers l’auteur. La Cour souligne qu’une telle dérogation est conforme à l’objectif de la directive qui consiste à mettre fin aux distorsions de concurrence dans le marché de l’art, dans la mesure où cette harmonisation est limitée aux dispositions nationales qui ont l’incidence la plus directe sur le fonctionnement du marché intérieur. Elle n’exclut pas, pourtant, qu’une telle dérogation est susceptible de produire une distorsion sur le fonctionnement du marché intérieur. Toutefois, elle retient que l’effet engendré n’est qu’indirect, puisqu’il est produit par des aménagements conventionnels réalisés indépendamment du paiement du montant du droit de suite, dont demeure responsable la personne redevable. Partant, la Cour conclut que l’article 1er de la directive doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce que la personne redevable du droit de suite, désignée comme telle par la législation nationale, qu’il s’agisse du vendeur ou d’un professionnel du marché de l’art intervenant dans la transaction, puisse conclure avec toute autre personne, y compris l’acheteur, que cette dernière supporte définitivement, en tout ou en partie, le coût du droit de suite, pour autant qu’un tel arrangement contractuel n’affecte nullement les obligations et la responsabilité qui incombent à la personne redevable envers l’auteur. (ES)