Saisie d’une requête dirigée contre la France, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 19 avril dernier, l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit à la liberté d’expression (Ottan c. France, requête n°41841/12). Le requérant, ressortissant français, est avocat et a assuré la défense de la partie civile dans la cadre d’une affaire médiatique. A la suite de l’acquittement de l’accusé, le requérant a tenu des propos relatifs à l’origine ethnique du jury d’assises pour lesquels il a fait l’objet d’une sanction disciplinaire. Devant la Cour, le requérant alléguait que sa condamnation emportait violation de son droit à la liberté d’expression. La Cour considère que la sanction disciplinaire infligée au requérant constitue une ingérence dans son droit à la liberté d’expression, qui est prévue par la loi et qui poursuit un but légitime. Concernant la nécessité de cette mesure dans une société démocratique, la Cour rappelle, tout d’abord, que la défense d’un client peut se poursuivre dans les médias si les propos ne constituent pas des attaques gravement préjudiciables à l’action des tribunaux et si les avocats s’expriment dans le cadre d’un débat d’intérêt général. La Cour estime, ensuite, que le requérant cherchait à disposer d’une possibilité de proroger la défense de son client par la poursuite de la procédure devant une cour d’assises d’appel. Elle relève que ses propos s’inscrivent dans le cadre d’un débat d’intérêt général et qu’il incombait aux autorités nationales d’assurer un niveau élevé de protection de la liberté d’expression. La Cour reconnait, en outre, que cette question est particulièrement sensible en France, mais que les propos litigieux ne traduisaient pas une animosité du requérant à l’égard d’un membre du jury précisément désigné. Ces derniers constituaient un jugement de valeur reposant sur une base factuelle suffisante, en ce qu’ils se rapportaient davantage à une critique générale du fonctionnement de la justice pénale et des rapports sociaux qu’à une attaque injurieuse à l’égard du jury populaire ou de la cours d’assises dans son ensemble. La Cour considère, enfin, que les faits de l’espèce ne permettent pas d’établir une atteinte à l’autorité et à l’impartialité du pouvoir judiciaire et que la sanction, même la plus modérée possible, n’est pas neutre pour un avocat et ne peut justifier l’ingérence dans son droit à la liberté d’expression. Partant, la Cour conclut à la violation de l’article 10 de la Convention. (MG)