Saisie d’une requête dirigée contre la France, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 14 mars dernier, l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif à la liberté d’expression (Eon c. France, requête n°26118/10). Lors d’un déplacement du Président de la République française, le requérant, avait brandi un écriteau portant la formule « casse toi pov’con », prononcée par le Président lui-même quelques mois plus tôt. Les juridictions saisies ont déclaré le requérant coupable du délit d’offense au Président de la République. Après avoir constaté que la condamnation du requérant constitue une ingérence des autorités publiques dans son droit à la liberté d’expression, la Cour examine le caractère nécessaire et proportionnée de cette immixtion. Elle relève que la reprise, par le requérant, de la formule du Président de la République ne visait pas sa vie privée ou son honneur et ne constituait pas une simple attaque personnelle gratuite contre sa personne, mais plutôt une critique de nature politique. Or, la Cour rappelle qu’un homme politique s’expose inévitablement et consciemment à un contrôle attentif de ses faits et gestes et doit, par conséquent, montrer une plus grande tolérance. En outre, en reprenant à son compte une formule utilisée par le Président de la République lui-même, largement diffusée par les médias puis reprise et commentée de façon fréquemment humoristique, le requérant a choisi le registre satirique à l’égard duquel toute ingérence doit être examinée avec une attention particulière. La Cour estime, dès lors, que le recours à une sanction pénale susceptible d’avoir un effet dissuasif sur les interventions satiriques concernant des sujets de société était disproportionné au but visé et donc non essentiel dans une société démocratique. Partant, la Cour conclut à la violation de l’article 10 de la Convention. (SC)