Saisie d’une requête dirigée contre la France, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 3 septembre dernier, l’article 7 §1 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif à la non-rétroactivité de la loi pénale (Berland c. France, requête n°42875/10). Le requérant, ressortissant français, a été mis en examen des chefs d’assassinat de son ex-compagne et de violences volontaires sur 2 autres personnes et placé en détention provisoire en 2007. En application d’une loi nouvelle, la loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, la juridiction compétente a déclaré que le requérant était pénalement irresponsable. En outre, celle-ci a prononcé plusieurs mesures à son encontre, à savoir son hospitalisation d’office, l’interdiction, pendant une durée de 20 ans, de rentrer en relation avec les parties civiles et l’interdiction de détenir ou de porter une arme. Le requérant se plaignait de l’application rétroactive de la loi de 2008 qui, selon lui, a pour effet de lui faire encourir des peines auxquelles son état mental ne l’exposait pas sous l’empire de la loi ancienne, applicable au moment de la commission des faits. La Cour recherche si les mesures litigieuses doivent s’analyser comme des peines auxquelles le principe de non-rétroactivité a vocation à s’appliquer. Elle rappelle, tout d’abord, la portée autonome de la notion de « peine » contenue dans la Convention, indépendamment de sa définition dans les ordres juridiques nationaux. La Cour estime que les mesures prononcées à l’égard du requérant, déclaré pénalement irresponsable, n’ont pas été ordonnées après condamnation pour une « infraction ». En outre, elle relève qu’en France, ces mesures ne sont pas considérées comme des peines auxquelles s’applique le principe de non-rétroactivité. Concernant la nature et le but desdites mesures, la Cour considère que leur prononcé et le contrôle de leur application par le juge ont un objectif préventif. Ainsi, elle juge que la déclaration d’irresponsabilité pénale et les mesures de sûreté qui l’accompagnent ne constituent pas une « peine » au sens de l’article 7 §1 de la Convention et doivent être analysées comme des mesures préventives auxquelles le principe de non-rétroactivité énoncé dans cette disposition n’a pas vocation à s’appliquer. Partant, la Cour conclut à la non-violation de l’article 7 §1 de la Convention. (AB)