Saisie d’une requête dirigée contre la France, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 12 novembre dernier, l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit à la liberté d’expression (Bidart c. France, requête n°52363/11). Le requérant, ressortissant français, ancien chef d’une organisation séparatiste basque et détenu depuis 1988, a été condamné plusieurs fois, notamment pour assassinat dans le cadre d’une activité terroriste. En 2007, il a été admis au bénéfice de la libération conditionnelle assortie de plusieurs obligations, notamment celle de s’abstenir de diffuser tout ouvrage ou œuvre audiovisuelle dont il serait auteur ou co-auteur qui porterait sur les infractions commises et de s’abstenir de toute intervention publique relative à ces infractions. Le requérant se plaignait de la restriction à son droit à la liberté d’expression qui lui est imposée dans le cadre de sa liberté conditionnelle. La Cour constate, tout d’abord, que cette restriction est prévue par la loi et poursuit plusieurs buts légitimes, notamment le maintien de la sécurité publique et la prévention du crime. Concernant son caractère nécessaire dans une société démocratique, la Cour juge préoccupant, en l’espèce, que lorsque le juge national de l’application des peines a décidé d’imposer la restriction litigieuse au requérant, celui-ci ne s’est pas fondé sur des propos ou écrits spécifiques de ce dernier, mais sur des propos ou écrits éventuels, retenant qu’il n’était pas exclu qu’il ne soit tenté de publier ses mémoires et de faire des déclarations sur les faits pour lesquels il a été condamné. Elle estime, en outre, regrettable que le juge national n’a ni procédé à la balance des intérêts en présence ni pleinement caractérisé le risque d’atteinte à l’ordre public. Cependant, la Cour note que le requérant a pu bénéficier d’un contrôle juridictionnel offrant de réelles garanties contre les abus, ce à quoi elle accorde une grande importance. Elle relève, ensuite, que les mesures pouvant être prises par le juge dans ce contexte sont limitées à 3 égards. Elles le sont quant aux personnes auxquelles elles peuvent être imposées, mais aussi dans le temps et dans leur objet. Dès lors, la Cour relève qu’en l’espèce, le requérant conservait la possibilité de s’exprimer sur la question basque dans la mesure où il n’évoquait pas les infractions pour lesquelles il avait été condamné. La Cour admet, en outre, qu’elle n’ignore pas le contexte dans lequel s’inscrivait la restriction au droit à la liberté d’expression du requérant, c’est-à-dire le fait qu’elle a été décidée dans le cadre de la libération anticipée d’une figure importante et connue d’une organisation terroriste. Partant, la Cour considère que les juges nationaux n’ont pas excédé la marge d’appréciation dont ils disposaient et conclut à l’absence de violation de l’article 10 de la Convention. (AB)