Saisie d’une requête dirigée contre la France, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 16 juillet dernier, l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif à l’interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants (Ghedir e.a. c. France, requête n°20579/12). Les requérants sont 4 membres d’une même famille. Le premier d’entre eux a fait l’objet d’une interpellation par des agents de police accompagnée d’un usage de la force. A la suite de cette interpellation, le requérant a été placé en garde à vue au cours de laquelle des lésions importantes se sont manifestées. Il a subi un hématome sous-dural ayant entraîné une perte de connaissance suivie d’un coma et présente désormais des séquelles importantes, le privant d’autonomie pour tous les gestes élémentaires de la vie quotidienne. Les requérants alléguaient que les conditions de l’interpellation de l’intéressé ont porté atteinte à l’article 3 de la Convention. Concernant le volet matériel de l’article 3, la Cour rappelle, notamment, que pour tomber sous le coup de l’article 3 de la Convention, un mauvais traitement doit atteindre un minimum de gravité. L’appréciation de ce minimum est relative par essence et dépend de l’ensemble des données de la cause. En l’espèce, elle relève que les blessures du requérant dépassent le seuil de gravité exigé pour que le traitement dont il se plaint tombe sous le coup de cette disposition. Par ailleurs, elle observe que les circonstances de l’espèce ne renvoient pas uniquement au déroulement de la garde-à-vue du requérant mais, également, aux conditions de son interpellation et sa conduite au commissariat. Elle estime que les circonstances permettent de caractériser l’existence d’un faisceau d’indices suffisant pour retenir une violation de l’article 3 de la Convention, en l’absence de fourniture par les autorités internes d’une explication satisfaisante et convaincante à l’origine des lésions du requérant dont les symptômes se sont manifestés alors qu’il se trouvait entre les mains des agents de police. Partant, la Cour conclut à la violation de l’article 3 dans son volet matériel. Concernant le volet procédural de l’article 3 de la Convention, la Cour rappelle que cette disposition requiert qu’il y ait une enquête officielle effective devant pouvoir mener à l’identification et à la punition des responsables. En l’espèce, la Cour considère que l’ouverture d’une enquête de flagrance à la découverte des faits et l’ouverture rapide de l’instruction, ainsi que les nombreux actes et expertises réalisés au cours de celle-ci sont autant d’éléments ne permettant pas au requérant de démontrer que les investigations n’auraient pas été conformes aux exigences de l’article 3. Partant, la Cour conclut à la non violation de l’article 3 de la Convention dans son volet procédural. (AB)