Saisie d’une requête dirigée contre la France, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 23 février dernier, l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit au respect de la vie privée et familiale (Libert c. France, requête n°588/13). Le requérant, ressortissant français, a été licencié par son employeur, la SNCF, après que la saisie de son ordinateur professionnel a révélé le stockage de fichiers à caractère pornographique et de fausses attestations réalisées au bénéfice de tiers. Ces fichiers ont été découverts alors qu’il était suspendu temporairement de ses fonctions en raison de sa mise en examen pour un autre motif. Ses recours devant les juridictions nationales ont été rejetés. Devant la Cour, le requérant alléguait que l’ouverture, par son employeur, en dehors de sa présence, des fichiers personnels figurant sur son ordinateur professionnel, avait porté atteinte à son droit au respect de la vie privée. Sur la question de l’existence d’une ingérence d’une autorité publique, la Cour reconnaît, d’une part, que la mesure litigieuse s’analyse en une ingérence et, d’autre part, qu’il peut être conféré à la SNCF la qualité d’autorité publique. Sur la question de savoir si l’ingérence était prévue par la loi, elle considère que le droit positif français précisait suffisamment en quelles circonstances et sous quelles conditions une telle mesure était permise pour qu’il puisse être considéré qu’elle était prévue par la loi. Sur la question de savoir si l’ingérence avait un but légitime, la Cour constate que celle-ci visait à garantir la protection des droits d’autrui et, plus précisément, ceux de l’employeur qui peut légitimement vouloir s’assurer que ses salariés utilisent les équipements informatiques qu’il met à leur disposition pour l’exécution de leurs fonctions, en conformité avec leurs obligations contractuelles et la règlementation applicable. Sur la question de savoir si l’ingérence était nécessaire dans une société démocratique, la Cour observe, tout d’abord, que le droit positif français contient un dispositif visant à la protection de la vie privée selon lequel, si l’employeur peut ouvrir les fichiers professionnels qui se trouvent sur le disque dur des ordinateurs qu’il met à la disposition de ses employés dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions, il ne peut pas ouvrir, sauf risque ou événement particulier, ceux identifiés comme étant personnels. Il ne peut procéder à l’ouverture de fichiers ainsi identifiés qu’en présence de l’employé concerné ou après que celui-ci ait été dûment appelé. La Cour constate, ensuite, que les juridictions nationales ont fait application de ce principe mais qu’elles ont jugé que ce dispositif ne faisait pas obstacle à ce que l’employeur ouvre les fichiers litigieux, ceux-ci n’ayant pas été dûment identifiés comme étant privés. Elle considère, enfin, que les juridictions nationales ont correctement examiné le moyen du requérant tiré d’une violation de son droit au respect de sa vie privée et estime que leur décision se fonde sur des motifs pertinents et suffisants. Partant, elle conclut à la non-violation de l’article 8 de la Convention. (MT)