Saisie d’une requête dirigée contre la France, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 1er février dernier, les articles 3 et 34 de la Convention européenne des droits de l’homme relatifs, respectivement, à l’interdiction de la torture et des traitements inhumains et dégradants ainsi qu’au droit de requête individuelle (M.A. c. France, requête n°9373/15). Le requérant, ressortissant algérien, a été condamné, en France, à une peine d’emprisonnement et à une interdiction définitive du territoire en raison de son implication dans une organisation terroriste. La Cour, saisie d’une demande de mesure provisoire, a demandé au gouvernement français de ne pas procéder à son renvoi en Algérie en exécution de sa condamnation mais les autorités nationales ont tout de même procédé à la mesure d’éloignement. Une fois sur le territoire algérien, le requérant a été arrêté, placé en garde à vue puis mis en examen et placé en détention provisoire. Devant la Cour, il alléguait que son renvoi dans ce pays, d’une part, l’exposait à des traitements contraires à l’article 3 de la Convention, et, d’autre part, a été opéré en violation de l’article 34 de la Convention. S’agissant de la violation alléguée de l’article 3 de la Convention, la Cour réaffirme, tout d’abord, sa conscience aiguë de l’ampleur du danger que représente le terrorisme pour la collectivité et considère légitime que les Etats membres fassent preuve d’une grande fermeté à l’égard de ceux qui y contribuent. Elle observe, ensuite, que des rapports du Comité des Nations Unies contre la torture et de plusieurs ONG décrivent une situation préoccupante en Algérie. Ces rapports, qui datent de l’année au cours de laquelle le requérant y a été renvoyé, signalent de nombreux cas d’interpellation, particulièrement de personnes soupçonnées d’être impliquées dans des actes de terrorisme international. Celles-ci seraient alors placées en détention sans contrôle judiciaire ou communication avec l’extérieur et pourraient être soumises à de mauvais traitements, y compris à des actes de torture. Enfin, elle note que le requérant a fait l’objet, en France, d’une condamnation motivée et détaillée, dont le texte est public, et qu’à son arrivée en Algérie il a effectivement été arrêté et emprisonné. Au vu du profil du requérant, dont la condamnation pour des faits graves de terrorisme était connue des autorités algériennes, la Cour considère qu’au moment de son renvoi en Algérie, il existait un risque réel et sérieux qu’il soit exposé à des actes de torture ou à des traitements inhumains ou dégradants. Partant, la Cour conclut à la violation de l’article 3 de la Convention. S’agissant de la violation alléguée de l’article 34 de la Convention, la Cour constate, d’une part, que la mesure provisoire prononcée n’a pas été respectée. Elle rappelle que s’il peut être nécessaire, pour les autorités, de mettre en œuvre une mesure d’expulsion avec rapidité et efficacité, les conditions d’exécution d’une telle mesure ne doivent pas avoir pour objet de priver la personne reconduite du droit de solliciter, de la part de la Cour, l’indication d’une mesure provisoire. Elle relève, d’autre part, que les autorités françaises ont créé des conditions dans lesquelles le requérant ne pouvait que très difficilement saisir la Cour d’une demande de mesure provisoire et qu’elles ont délibérément et de manière irréversible, amoindri le niveau de protection des droits énoncés par la Convention, l’expulsion ayant retiré toute efficacité à l’éventuel constat de violation. Partant, la Cour conclut à la violation de l’article 34 de la Convention. (MT)